(Dubaï) Les pays réunis à la COP28 ont amorcé une deuxième nuit de négociations pour tenter d’en venir à un accord climatique ambitieux, mardi soir, prolongeant encore davantage la conférence, qui devait initialement se terminer mardi matin.

Le président de la COP28, Sultan Al Jaber, est « déterminé à présenter une version du texte qui bénéficie du soutien de toutes les parties », a indiqué son bureau, peu avant 22 h (13 h, heure de Montréal), annonçant ainsi que la publication d’une nouvelle ébauche d’accord, initialement attendue dans la journée, était reportée à mercredi.

« Déçu » du projet de texte présenté lundi par la présidence, le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, s’est dit « beaucoup plus encouragé », mardi soir, à la sortie d’une rencontre avec Sultan Al Jaber en compagnie des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la Norvège.

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Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, à la COP28 mardi

L’une des choses importantes que je retiens de ma rencontre avec la présidence, c’est que nous repartons de Dubaï avec la capacité collective de garder [l’objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne de la Terre à] 1,5 degré en vie.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Il s’agissait de « l’objectif le plus important en venant ici à Dubaï », a-t-il confié à un groupe de journalistes, avant de prendre la direction de l’aéroport pour rentrer à Ottawa, où il doit comparaître au Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes, jeudi.

Steven Guilbeault affirme que « la présidence a compris que le texte n’allait pas assez loin » sur ce qu’il faut faire pour réduire la dépendance de l’humanité aux combustibles fossiles, sur les fonds à mobiliser pour les pays en voie de développement, sur l’accompagnement à leur offrir et sur l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il détaillé.

Un environnementaliste étranglé par l’émotion

Observateurs et organisations environnementales ont enchaîné les conférences de presse pour faire part de leurs constats, mardi, dans une atmosphère parfois très chargée.

« C’est beaucoup d’émotions », a déclaré Joseph Sikulu, directeur général pour le Pacifique de l’organisation 350.org, avant de s’arrêter pendant une trentaine de secondes, incapable de retenir ses larmes.

L’état actuel de l’ébauche d’accord signe l’arrêt de mort de bien des États insulaires, a-t-il affirmé, rappelant la déclaration en ce sens, la veille, du ministre des Ressources naturelles des îles Marshall.

« Être bloqué sur chacun des points, sur chaque chose qui est nécessaire pour assurer l’avenir de nos îles, de notre peuple » est frustrant après avoir participé activement à la COP28, mais aussi à toutes les rencontres préparatoires et autres réunions de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques durant l’année, a exprimé Joseph Sikulu.

Un système qui permet à tant de lobbyistes des énergies fossiles de s’exprimer est brisé. Un système qui donne tant de pouvoir aux nations émettrices [de gaz à effet de serre] est brisé. Un système qui continue à bloquer les voix des communautés touchées, des personnes qui ont le plus besoin d’aide, est brisé.

Joseph Sikulu, de l’organisation 350.org

Partie de la stratégie

L’ébauche d’accord publiée lundi a aussi généré un déluge de critiques de la part des pays réunis à Dubaï.

« Nous nous attendions à cela », a déclaré à la mi-journée le numéro deux de la COP28, son directeur général Majid al-Suwaidi, dans une brève conférence de presse.

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Majid al-Suwaidi, directeur général de la COP28

« En fait, nous voulions que le texte suscite des conversations, et c’est ce qui s’est produit », a-t-il déclaré, ajoutant que la stratégie avait permis de voir où se situait « la ligne rouge de chaque pays », notamment sur la question de la sortie des énergies fossiles.

« Les parties ont des points de vue profondément ancrés et profondément divisés », a reconnu Majid al-Suwaidi, leur renvoyant la responsabilité de s’entendre, le rôle de la présidence se limitant à donner la direction à suivre.

« Nous avons placé la barre là où nous devons arriver, [mais] l’ambition et le résultat doivent venir des parties », a-t-il déclaré, appelant les délégués à faire preuve d’ouverture.

J’ai déjà été négociateur et je sais à quel point il est facile pour les négociateurs de s’accrocher à un détail du texte.

Majid al-Suwaidi, directeur général de la COP28

Le projet de texte publié lundi ne comporte pratiquement aucun énoncé indiquant que l’accord « décide » de mesures à mettre de l’avant, contrairement aux accords conclus lors des précédentes COP.

En revanche, il « souligne », « reconnaît », « note », « insiste », « accueille » ou « exprime des préoccupations ».

On y lit par exemple qu’il « note avec une préoccupation significative qu’en dépit des progrès accomplis, la trajectoire des émissions mondiales de GES n’est toujours pas alignée sur l’objectif de l’Accord de Paris » et qu’il « reconnaît que limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C [requiert] une réduction rapide, significative et durable » de ces émissions.

Le texte exprime aussi « une sérieuse préoccupation que 2023 est en voie d’être l’année la plus chaude jamais enregistrée et que les impacts des changements climatiques s’accélèrent rapidement, ce qui démontre la nécessité d’une action urgente », qu’il ne prescrit pourtant pas.