Stephen Harper estime que ce serait «une politique économique relevant de la folie» que d'imposer de nouvelles règles à l'industrie pétrolière pour permettre au Canada de respecter ses cibles de réduction des gaz à effet de serre d'ici 2020, étant donné la turbulence qui frappe cette industrie sur les marchés mondiaux.

Le premier ministre écarte donc l'idée d'imposer des normes environnementales plus contraignantes à ce secteur, même si son gouvernement s'est engagé à le faire il y a quelques années.

M. Harper a ainsi répondu à l'appel lancé par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui exhortait le Canada à «être porteur de plus grandes ambitions, à être plus visionnaire pour l'avenir de la planète».

Aux Communes, hier, le NPD a pressé le premier ministre de cesser de se traîner les pieds dans ce domaine alors que s'ouvrait la 20e Conférence de l'ONU sur le climat à Lima, au Pérou.

«Franchement, dans les circonstances qui prévalent actuellement dans le secteur pétrolier et gazier, ce serait une politique économique folle d'imposer des pénalités unilatérales dans ce secteur. De toute évidence, nous n'allons pas faire cela», a affirmé M. Harper en réponse à une question du NPD.

Le premier ministre a aussi affirmé qu'il serait néfaste d'imposer à l'industrie pétrolière du Canada de nouvelles règles en matière environnementale auxquelles ne serait pas soumise l'industrie pétrolière aux États-Unis. Il faut, selon lui, que les nouvelles règles puissent être appliquées à l'échelle du continent nord-américain.

Colère de l'opposition

Ces propos ont provoqué la colère des partis de l'opposition et des groupes environnementalistes.

«Ce qui est de la folie, c'est de voir que ce gouvernement n'a rien fait. Le premier ministre est le seul responsable de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons mis tous nos oeufs dans le panier de l'énergie. Nous n'avons pas fait d'efforts pour diversifier notre économie», a affirmé la députée du NPD Megan Leslie.

Le député libéral Stéphane Dion a abondé dans le même sens. «Ce n'est jamais le bon moment pour M. Harper. Nous avons un premier ministre qui a promis de mettre en oeuvre un plan de bourse du carbone avec des cibles précises de réduction. [...] Il n'a jamais mis son plan en oeuvre. Il prétend qu'il faut attendre les Américains. Il s'invente une nouvelle excuse chaque fois», a dit M. Dion.

Le Canada s'est engagé, en vertu de l'accord de Copenhague, à ramener ses émissions de GES de 17% en dessous de leur niveau de 2005 d'ici 2020. Le gouvernement Harper affirmait pouvoir atteindre cet objectif en réglementant les principaux secteurs de l'économie responsables des émissions de GES comme les transports et l'industrie pétrolière et gazière.

S'il a tenu parole dans le cas des véhicules et du secteur aérien, il tarde à accoucher d'un cadre réglementaire pour l'industrie pétrolière.

Un nouveau rapport publié lundi par Environnement Canada a confirmé de nouveau que le Canada sera incapable de respecter ses engagements en matière de réduction de GES. En 2020, les émissions du pays totaliseront 727 millions de tonnes, alors que le Canada s'est engagé à les ramener à 611 millions de tonnes.

Mauvaise foi

Patrick Bonin, de Greenpeace, a accusé le premier ministre de faire preuve de mauvaise foi pour défendre l'industrie pétrolière. «Il tente encore une fois de tordre la réalité et remet à plus tard les actions urgemment nécessaires pour lutter contre les changements climatiques au Canada. Les États-Unis ont déjà une réglementation sur leur secteur pétrolier qui aura pour effet de réduire les GES», a-t-il dit.

«Le gouvernement Harper fait tout ce que lui demande l'industrie pétrolière, même si cela nuit à notre relation avec nos voisins du Sud. Harper doit arrêter de rejeter la responsabilité sur les États-Unis pour sa propre inaction sur le climat et doit réglementer le secteur du pétrole et du gaz, qui est le plus polluant au Canada et également celui dont les émissions augmentent le plus rapidement», a-t-il ajouté.

La communauté internationale s'est donné comme objectif de limiter à 2 °C le réchauffement de la planète par rapport à l'ère préindustrielle, un seuil au-delà duquel la science estime que les impacts seraient très graves et irréversibles et mettraient en danger de nombreuses populations.