Les Québécois ne veulent pas entendre parler de la campagne électorale, mais ils n'y échapperont pas. Les politiciens ne doivent pas se faire discrets pour éviter d'exacerber le mécontentement des électeurs, disent des experts. D'ailleurs, plusieurs n'entendent pas se gêner pour faire appel à la frustration de l'électorat.Simon-Pierre Diamond a passé l'après-midi à arpenter les rues de Sainte-Julie pour défendre les couleurs de l'ADQ. Il avait toutes les raisons de rester chez lui. D'abord la pluie battante. Et puis la colère des électeurs qu'il était convaincu de trouver sur son chemin.

«Dès qu'ils ouvrent la porte, leur première réaction, c'est toujours de dire : "Ah ! Non, pas encore des élections ! On ne veut pas en entendre parler !"»Personne ne lui a claqué la porte au nez... «Mais c'est dur», remarque le jeune député sortant. Son collègue de Vanier, Sylvain Légaré, a fait le même constat lors d'un récent passage au Colisée de Québec : «Il y a 10 000 personnes qui m'ont passé en pleine face, ça faisait la file pour me dire bonjour et c'était uniquement ce qu'on entendait : "Maudites élections." Plusieurs disent qu'ils n'iront pas voter.»

Le ras-le-bol des Québécois, confirmé par un sondage CROP-La Presse samedi matin, préoccupe les partis politiques. Des candidats veulent réduire la taille des affiches électorales et la sollicitation à domicile.

Simon-Pierre Diamond fera l'inverse, et le politologue François-Pierre Gingras lui donne raison. «Moins la politique sera visible, moins les gens seront incités à y participer. C'est justement la proximité avec le politicien qui est le facteur le plus susceptible de relancer la mobilisation.»

Vers une campagne négative ?

L'ADQ et le PLQ n'entendent pas déroger à leur plan de match pour combattre la morosité des électeurs. Le parti de Mario Dumont va continuer à marteler que Jean Charest a déclenché les élections à des fins partisanes et non pour améliorer la situation économique. Un membre de l'entourage du leader adéquiste a d'ailleurs évoqué l'exemple de Gilles Duceppe, qui, pendant la campagne fédérale, n'a cessé de répéter qu'il était le seul à pouvoir barrer la route aux conservateurs.

Jean Charest, lui, a dit hier qu'il continuerait de parler d'économie, d'économie et d'économie.

Quant à Pauline Marois, elle prévoit parler davantage d'éducation et de santé. Ces deux thèmes, qu'elle n'a presque pas abordés jusqu'ici, arrivent en tête des préoccupations des électeurs, selon le sondage publié samedi dans La Presse. C'est donc une bonne idée d'en parler, selon M. Gingras, à condition de s'en tenir à des promesses claires. «Dire qu'on investit tant de millions en santé, cela reste trop abstrait. Préciser ce qu'on fera avec, ça, c'est efficace.»

Tous partis confondus, on pourrait aussi observer un glissement des discours vers un ton plus négatif, comme ce fut le cas pendant la dernière campagne fédérale, estime le politologue de l'Université de Montréal, Denis Monière. «Les stratèges savent que les médias sont plus portés à refléter les attaques», relève Jean-Herman Guay, de l'Université de Sherbrooke. Qui n'a pas entendu parler du fameux macareux qui déféquait virtuellement sur l'épaule de Stéphane Dion ? «Mais cela risque toujours de se retourner contre eux», ajoute M. Guay.

Avec Malorie Beauchemin, Tommy Chouinard et Martin Croteau