Le chef conservateur Stephen Harper s'est mis à rêver tout haut hier d'un gouvernement «fort» - tout en se gardant bien de prononcer le mot majoritaire -, afin, a-t-il affirmé, de donner une chance au pays de sortir indemne des remous économiques qui secouent nos voisins du Sud.

«Nous souhaitons obtenir un mandat fort, a-t-il dit dans une école de charpentiers à St. John. Vous connaissez mes prédictions pour ces élections? Je ne vais pas les changer (NDLR: M. Harper avait prédit un gouvernement minoritaire le 7 septembre dernier). Mais nous essayons d'obtenir le mandat le plus fort possible. Je pense que le pays se porterait mieux si nous avions un mandat fort plutôt qu'un Parlement faible.»

 

Visiblement piqué au vif par ses adversaires lors des débats télévisés en français et en anglais de la veille et de l'avant-veille, en particulier par les accusations de laisser-faire économique que lui ont mitraillées Gilles Duceppe, Stéphane Dion, Jack Layton et Elizabeth May, M. Harper a quelque peu réajusté son message, hier.

Il a d'abord souligné les différences entre les économies canadienne et américaine, en particulier la permanence de la croissance de l'économie canadienne, et il a ensuite annoncé une nouvelle mesure pour les apprentis qui font leurs études dans des disciplines où il y a pénurie de main-d'oeuvre qualifiée (charpentiers, mécaniciens, soudeurs, etc.), soit une prime de 2000$ versée à la fin de la formation. Mais le chef conservateur a pris bien soin de lier cette mesure à un plus vaste plan gouvernemental destiné justement à réagir à des situations comme la crise financière américaine.

M. Harper a précisé que ce plan n'était pas nouveau, qu'il ne tenait pas là un nouveau langage (au lendemain des débats), que depuis longtemps sa gestion de l'économie avait été planifiée pour le long terme et que toutes les nouvelles annonces faites au cours de la campagne, comme celle d'hier, s'additionnaient à son plan d'origine. M. Harper a d'ailleurs rappelé les efforts de son gouvernement pour aider les secteurs manufacturier et forestier, des investissements respectifs de 9 et 2,5 milliards de dollars, selon son entourage.

«J'ai déjà dit que nous avions un plan, que nous avons agi pour contrer l'incertitude économique mondiale, a-t-il déclaré. Lorsque j'ai déclenché les élections, j'ai dit que l'enjeu était de choisir un gouvernement capable de gérer l'économie en ces périodes troubles.»

Le Congrès américain et Dion

Comparé maintes fois à George W. Bush lors des débats, M. Harper a également tenté hier de se démarquer du président républicain en affirmant que les législateurs américains «ont paniqué» face à la crise financière en sortant tous les jours un nouveau plan de sauvetage. Il les a comparés en cela au chef libéral Stéphane Dion, «qui a paniqué et qui a promis un plan 30 jours après les élections», a-t-il lancé.

«Qu'est-ce que l'opposition a à vous offrir? Tout ce qu'elle vous a offert ces deux derniers soirs, c'est quatre heures d'attaques contre le gouvernement», a tonné M. Harper.

À Edmundston en fin d'après-midi, le chef conservateur s'en est aussi pris directement au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui demande aux Québécois «de voter pour ne jamais faire partie du gouvernement». «Posez-vous la question, a-t-il enchaîné. En quoi ça va vous aider d'être dans l'opposition pendant cette période d'incertitude mondiale?»

M. Harper a alors déclaré qu'il croyait qu'il allait former le gouvernement après le 14 octobre prochain.

«Ce que je demande aux Canadiens, a-t-il conclu, c'est simplement ceci: votez pour le parti qui, selon vous, peut gérer l'économie. Si vous pensez que nous pouvons gérer l'économie, s'il vous plaît, nous avons besoin de votre vote. Si vous pensez que les autres peuvent gérer l'économie, alors votez pour eux. Mais surtout, n'allez pas voter seulement pour avoir une opposition (...). Nous n'avons pas besoin d'un Parlement qui fonctionne comme le Congrès américain.»