Le Parti conservateur du Canada présente, en plein coeur de Montréal, un candidat qui parle à peine le français. Lors d'un entretien cette semaine, Mustaque Sarker, qui briguera les suffrages dans Papineau, s'est en effet montré incapable de tenir une conversation dans la langue officielle du Québec. Un handicap certain, 69% des électeurs de cette circonscription utilisant uniquement le français au travail.

Comment un parti qui affirme être sensible au caractère distinct du Québec peut-il y présenter un candidat qui n'en parle à peu près pas la langue? Le porte-parole du premier ministre Stephen Harper, Dimitri Soudas, a refusé de répondre à la question, hier. Il a aussi été impossible de parler à Josée Verner, ministre responsable de la francophonie.

 

Cette semaine, La Presse a tenté de fixer un rendez-vous avec M. Sarker, mais sans succès. Il semblait aussi difficile d'obtenir un calendrier de ses activités publiques. Nous nous sommes alors adressé au Progrès Villeray, le journal du quartier, dans l'espoir d'avoir le calendrier de cette façon.

La reporter de ce journal, Véronique Bérubé, a dit qu'elle aussi était incapable d'avoir un entretien avec M. Sarker et de savoir à quelles activités politiques il participait. Nous nous sommes rendus avec elle au local du candidat conservateur, sans nous annoncer. M. Sarker, homme affable et souriant, a réussi à parler un peu de son programme en français. Mais il ne comprenait pas les questions qui débordaient des sujets bien appris.

Mme Bérubé, cherchant à faire un profil personnel du candidat, lui a posé cette question: «Qu'est-ce que vous faites pour vous détendre?» M. Sarker a d'abord donné une réponse qui n'avait aucun rapport avec la question. Quand la journaliste lui a posé la même question une deuxième fois, il a répondu, après un moment d'hésitation: «Pour le Québec?»

Il a fallu lui poser la même question trois, puis quatre fois. Un bénévole qui assistait à l'entretien est venu à son secours en lui disant en anglais: «Hobbies, sport» «Support?» a répondu M. Sarker, en anglais. Il a fini par comprendre et a dit: «Ah, OK, OK, excusez, soccer, tennis, première chose j'aime, ça c'est hockey with Canadien.»

À la fin de l'entretien, le journaliste de La Presse lui a dit: «On ne peut pas vraiment dire que vous parlez français, M. Sarker» Celui-ci a répondu: «Ah oui bon, pfff, un petit peu, effort, parler français, toujours, oui.»

M. Sarker est né au Bangladesh et vit au Québec depuis 25 ans. Il est diplômé de l'Université de Dhacca, capitale de ce pays d'Asie du Sud, et des universités McGill et Concordia. Il est bien connu dans la circonscription de Papineau, où il dirige depuis plusieurs années l'entreprise Phahmed Comptabilité et Gestion d'affaires. En 1996, il s'est vu décerner le Prix du bon citoyen canadien de Saint-Denis (ancien nom de la circonscription) par le premier ministre du Canada, en reconnaissance de sa contribution à la communauté.

C'est la quatrième fois qu'il se présente aux élections dans cette circonscription, et la troisième fois sous les couleurs du Parti conservateur. Il n'obtient jamais beaucoup de votes. Néanmoins, d'élections en élections, il en a de plus en plus. Candidat indépendant lors des élections de 2000, il avait obtenu seulement 1,7% des suffrages. Puis, candidat pour le PCC, il en a récolté 4,7% en 2004 et 8,3% en 2006.

Cette année, la lutte se fait surtout entre Vivian Barbot, députée du Bloc québécois qui a réussi à arracher cette circonscription aux libéraux lors des dernières élections, et le candidat vedette du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, fils de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau.

La circonscription de Papineau se classe au troisième rang du revenu moyen le plus bas au Québec. Elle s'étend de part et d'autre de l'avenue Papineau, au sud de l'autoroute Métropolitaine, jusqu'aux rues Jean-Talon et Bélanger. La partie ouest est très multiethnique. Une importante population francophone habite la partie est. Au total, 45% des 101 000 habitants ont le français comme langue maternelle; plus des deux tiers utilisent uniquement le français au travail.