Le niqab a continué d'empoisonner la campagne électorale, samedi, alors qu'un certain nombre d'électeurs ont choisi de voter en se dissimulant le visage en signe de dérision à l'occasion du vote par anticipation.

Par exemple, un électeur s'est présenté en portant le drapeau québécois en guise de foulard. Un autre s'est même coiffé d'un sac de patates. Un troisième portait un masque de clown malfaisant.

Élections Canada permet aux électeurs d'exercer leur droit de vote même si leur visage est couvert. Ils doivent cependant signer une déclaration sous serment et présenter deux pièces d'identité autorisées, dont une comportant une adresse.

Ces agissements n'ont pas trop troublé les opérations.

«Cela demeure des cas isolés. Le scrutin se déroule bien, d'après ce que j'ai entendu. Tout se déroule normalement dans les bureaux de vote», a déclaré une porte-parole d'Élections Canada, Francine Bastien, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, dont le parti pourrait profiter de la controverse, ne s'est montré nullement amusé par le geste posé par ces loustics qui ont voté le visage couvert, une démarche contraire à l'objectif recherché, selon lui.

«Quand on est contre quelque chose, on ne fait pas exactement la même chose que celle que l'on dénonce. Je pense que c'est le mauvais message (...) La cohérence exige que l'on dise: "moi, j'y vais à visage découvert et tout le monde devrait voter à visage découvert"», a-t-il déclaré alors qu'il faisait campagne au Saguenay.

De passage à Montréal où elle a pris part à une manifestation contre les projets d'oléoduc, la chef du Parti vert, Élizabeth May, a jeté le blâme sur Stephen Harper et les conservateurs pour ces dérapages d'électeurs frustrés.

«Stephen Harper a encore une fois inventé un enjeu. Il nourrit la peur et la suspicion. Il alimente un foyer de xénophobie que je ne croyais pas exister dans ce pays. Et cela, uniquement pour améliorer ses chances d'être réélu. J'espère que tous les Canadiens, quelles que soient leurs convictions, décideront de ne pas récompenser cette manipulation cynique.»

Préférant s'en laver les mains, les conservateurs, qui eux aussi semblent profiter de l'irruption du port du niqab dans la campagne électorale, ont préféré ne pas discuter de ces cas farfelus.

«Je suis ici pour parler de l'économie. Je ne veux pas discuter des autres détails qui ne sont pas, à mon avis, si importants pour la plupart des Canadiens», a déclaré le candidat et ministre sortant Joe Oliver.

Le chef Stephen Harper ne prenait part à aucune activité publique samedi.

Les conservateurs ont délégué M. Oliver pour livrer le message du jour. Celui-ci en a profité pour attaquer le cadre financier des libéraux et de Justin Trudeau, qui prévoient afficher des déficits budgétaires pendant les trois premières années d'un éventuel mandat.

«Il se peut fort bien que les libéraux forment le prochain gouvernement et que Justin Trudeau devienne le prochain premier ministre. Cela entraînerait des conséquences réelles sur l'économie», a-t-il avancé.

M. Olivier a maintenu que l'économie demeurait la principale priorité des conservateurs.

Il a aussi attaqué le gouvernement libéral de l'Ontario dirigé par Kathleen Wynne. «Nous constatons les conséquences du gouvernement libéral de Wynne: des fortes hausses d'impôt, des dépenses incontrôlées, des factures d'électricité très élevées, des fermetures d'entreprise. On ne veut pas que cela se répète à l'ensemble du pays. C'est vraiment l'enjeu de ces élections.»

Coalition entre les partis

Thomas Mulcair a par ailleurs refusé de préciser si une alliance avec le Bloc québécois, semblable à celle que la coalition entre libéraux et néo-démocrates avaient scellée avec la formation de Gilles Duceppe en 2008, serait à nouveau acceptable à ses yeux dans l'éventualité d'un gouvernement minoritaire à Ottawa.

Dans sa plateforme électorale dévoilée vendredi, le chef du NPD indique vouloir «travailler de concert avec d'autres partis fédéralistes», afin de «mettre un terme à la décennie perdue de Stephen Harper».

Invité samedi à préciser s'il jugeait acceptable le type d'alliance signée par la coalition libérale et néo-démocrate avec le Bloc québécois en 2008, il a esquivé la question. Il a préféré rappeler que ce sont les libéraux qui ont mis fin à cette coalition, imposant ainsi aux Canadiens plusieurs autres années de gouvernement conservateur.

«Les libéraux ont levé le nez sur leur propre signature, et cinq ans plus tard, on est encore »pognés« avec Stephen Harper et les conservateurs. Ma première responsabilité, c'est de battre Stephen Harper le 19 octobre et former un gouvernement progressiste du NPD», a-t-il lancé en point de presse à Victoria.





Aide pour le Nord

Justin Trudeau s'est rendu au Nunavut, samedi, où il a promis d'injecter 40 millions supplémentaires au cours des quatre prochaines années dans le programme fédéral Nutrition Nord, si les Canadiens l'élisent le 19 octobre.

Le chef libéral a déclaré qu'il collaborerait avec les communautés nordiques pour rendre le programme alimentaire plus transparent et efficace. Le programme Nutrition Nord fonctionne avec les 60 millions fournis annuellement par le gouvernement conservateur, mais a été critiqué pour des problèmes opérationnels.

«Vivre ici est onéreux; nous le savons tous. Quand les conservateurs ont remplacé le programme Aliments-poste par Nutrition Nord, ils ont promis que celui-ci serait un programme amélioré et subventionné. Il devait permettre un meilleur accès à des aliments sains plus abordables. Il n'a réussi ni l'un ni l'autre», a-t-il déclaré.

M. Trudeau a aussi promis d'augmenter de 33% le montant de la déduction pour les résidants des régions éloignées, une mesure qui vise à attirer des travailleurs dans le Nord et à compenser pour le coût de la vie, très élevé dans ces régions.

Le parti a insisté sur le rôle que joueront les infrastructures dans la croissance économique du nord canadien. «Les gens ont besoin d'un gouvernement fédéral qui est un partenaire fort et actif et qui investit dans ce dont les communautés ont besoin. Nulle part cela n'est aussi évident que dans le Nord, où la population n'a eu droit qu'à des voeux pieux depuis trop longtemps», a dit M. Trudeau

Photo Paul Chiasson, La Presse Canadienne

Justin Trudeau joue avec son garçon Hadrien lors de sa visite au Nunavut.