Kedina Fleury-Samson rigole au bout du fil lorsqu'on lui demande si elle est une magicienne vaudoue. N'empêche, la candidate du Bloc québécois ressent un certain malaise. «C'est cliché. Je suis noire, je mentionne le mot "magie" et aussitôt, on dit que je fais du vaudou», soupire-t-elle.

À l'origine de cette rumeur, une page Facebook du «Salon entre 2 mondes» de Rivière-du-Loup qui a eu lieu en septembre 2014. Sur cette page, celle qui est aujourd'hui candidate dans Avignon-La Mitis-Matane-Matapédia proposait aux participants de l'événement une «cérémonie magique» à travers laquelle elle disait mettre les personnes en contact avec «l'invisible».

«Ma pratique magique est issue d'un métissage culturel entre Haïti et Québec, peut-on lire sur cette page. Je travaille avec les 4 éléments et le mouvement universel. Je peux invoquer, pour les besoins de la tâche, mes ancêtres ou ceux du participant alors, mieux vaut être averti.»

Au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse dimanche matin, Mme Fleury-Samson a insisté pour dire qu'elle n'a jamais demandé de rémunération pour ces cérémonies et qu'elle n'offre pas de services de consultation. «Toute personne qui dit que je vends mes services, c'est un mensonge éhonté. Ça va à l'encontre de mes principes de base.»

Mme Fleury-Samson souligne qu'elle n'a jamais utilisé le terme «vaudou». Elle dit plutôt travailler «l'intériorité». «Je crois à la force de l'humanité. Par exemple, en politique, on peut faire des politiques harmonieuses pour le bien-être de l'humanité. Quand je parle de magie, c'est une magie universelle, ça veut dire travailler pour le bien collectif.»

Retour aux origines

La candidate de 36 ans est née en Haïti et a été adoptée par une famille québécoise à l'âge de 3 ans. Elle est retournée dans son village natal pour la première fois en 2011.

«Ça m'a fait du bien, une boucle s'est faite et j'ai développé une spiritualité qui fait du sens dans mon parcours... Mais de là à penser que je m'amuse à faire du vaudou sur les poupées de mes enfants! Ben voyons! Je comprends que ça fait l'fun de dire que la Noire de région fait du vaudou, mais il y a un peu de fantasme ou de préjugés là-dedans.»

Mme Fleury-Samson a d'ailleurs reçu des insultes racistes sur sa page Facebook en début de campagne. «On m'a traitée de sale immigrée», déplore-t-elle.

«D'un côté, on critique la langue de bois des politiciens, mais dès que l'un d'eux sort du cadre, on réagit. La politique devrait être accessible à toute personne qui souhaite faire avancer la communauté. Oui, j'ai de la couleur, et je préfère un politicien authentique à un politicien parfait, mais fake», dit-elle.

Elle souligne au passage qu'elle a siégé comme conseillère municipale à la Ville de Mont-Joli de 2006 à 2012 et qu'elle termine une maîtrise en études des pratiques psychosociales. Elle est également mère de cinq enfants âgés de 3 à 13 ans. «C'est contrariant qu'on attaque ma crédibilité», lâche-t-elle.

Elle n'est toutefois pas surprise par ces rumeurs en pleine campagne électorale. «Ça fait partie de la game politique, dit-elle. La question est: "Ces rumeurs servent les intérêts de qui?"».

Au Bloc québécois, on se félicite de la candidature de cette femme au parcours atypique et on ne fait pas grand cas de sa croyance personnelle. «Prenez l'abbé Gravel [ancien député du Bloc], personne ne lui a jamais reproché de croire à la résurrection du Christ. Les gens ont voté pour lui, car il était une personne ancrée dans sa communauté, appréciée des gens et on retrouve cet élément chez Mme Fleury-Samson», a souligné Dominic Vallières, attaché de presse du parti.

Preuve qu'elle n'est pas rancunière et qu'elle a un bon sens de l'humour, la candidate confirme en riant qu'elle n'a pas de poupées vaudoues de ses adversaires politiques et que si elle gagne ses élections le 19 octobre prochain, la magie n'y sera pour rien.