Pour la toute première fois, l'Université Concordia proposera l'automne prochain un cours bilingue. Donné en ligne, il permettra aux étudiants de « découvrir de quoi est faite la société québécoise ».

Où en est le projet de souveraineté au Québec ? Dans quel contexte la Charte de la langue française a-t-elle été rédigée ? Quelle est l'histoire religieuse de la province ? Où se situe-t-elle en matière d'environnement ? Ces thèmes et plusieurs autres, historiques ou contemporains, seront abordés en français et en anglais à partir de septembre dans le cadre d'un cybercours interactif de l'Université Concordia intitulé « Débats et enjeux au sein de la société québécoise moderne ».

Le cours sera donné conjointement par le professeur Jean-Philippe Warren, du département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Concordia, et Jack Jedwab, vice-président de l'Association d'études canadiennes et de l'Institut canadien des identités et des migrations.

M. Warren se spécialise dans les études québécoises, tandis que les recherches de M. Jedwab relèvent plutôt des études canadiennes.

« On veut briser le mur des deux solitudes. On veut essayer de jumeler nos perspectives. » 

- Jean-Philippe Warren, professeur à l'Université Concordia

Et pour vraiment faire tomber les barrières, les étudiants auront accès à tout le contenu du cours tant en français qu'en anglais. « C'est une petite révolution », déclare Jean-Philippe Warren.

Optant pour une « approche de complémentarité », les deux spécialistes ont chacun puisé dans leurs connaissances pour l'élaboration du cours. Ils s'entoureront en outre d'une vingtaine d'intervenants qui enrichiront ce tour d'horizon des divers déterminants qui façonnent le Québec.

« Chaque personne qui viendra se faire entendre partagera ses connaissances factuelles et objectives et, autant que possible, ouvrira également son intervention vers un débat de société », précise M. Warren.

« ENTENDRE CE QUE LES JEUNES ONT À DIRE »

« La société québécoise est un laboratoire très riche pour quiconque s'y intéresse », lance le professeur, également titulaire de la chaire de recherche de l'Université Concordia en études sur le Québec.

Au fil du cybercours, durant 12 semaines, MM. Warren et Jedwab souhaitent transmettre à leurs étudiants les fondements qui leur permettront de se forger une opinion sur la société québécoise qu'ils bâtiront et dans laquelle ils évolueront.

« On a besoin d'entendre ce que les jeunes ont à dire, pour qu'ils apportent leurs façons de faire, leur sensibilité, plaide M. Warren. Comme grand idéal, on aimerait que les étudiants s'éveillent à la nécessité de leur participation tous azimuts. »

Aussi, le professeur dit avoir « l'impression que la voix de Concordia ne se fait pas assez entendre, malgré toutes les personnes qui travaillent à discuter de toutes sortes d'enjeux », ce à quoi son collègue et lui souhaitent remédier grâce à ce cours où certains pourront parler de leurs travaux.

UNE STRUCTURE EN LIGNE À L'ESSAI

Souhaitant que le plus de personnes possible puissent échanger sur leur parcours et partager leurs connaissances avec les étudiants, les deux collègues se sont d'abord attelés à recruter « tant [des acteurs] du milieu universitaire que des gens de la société ». 

« On veut les meilleures personnes pour bousculer un peu certains préjugés, certains stéréotypes et idées préconçues des étudiants », indique M. Warren.

Ainsi, par l'entremise d'une capsule vidéo, l'éditorialiste en chef de La Presse François Cardinal sera l'un des intervenants. Il sera suivi de l'homme d'affaires Andrew Molson, puis, la semaine suivante, de la candidate de Québec solidaire aux prochaines élections, Catherine Dorion. Il est prévu que dans chaque cours en ligne, quatre entrevues seront diffusées. « C'est quelque chose d'impossible à faire en classe, mais là, on peut toutes les avoir. »

L'enjeu du bilinguisme a exigé un long travail technique. 

« Mon souhait, c'était que les étudiants puissent se promener d'un côté à l'autre de l'interface, suivre aussi bien un cours en français qu'en anglais et passer d'une langue à l'autre s'ils le souhaitent. »

- Jean-Philippe Warren

Ainsi, la vidéo d'archives dans laquelle Jean-François Lisée traite de la souveraineté et du référendum a dû être entièrement traduite. Le même exercice a dû être fait pour tous les contenus.

POUSSER L'EXPÉRIENCE PÉDAGOGIQUE

Jean-Philippe Warren, Jack Jedwab et leur équipe ne sont pas arrêtés là. Un forum de discussion, comme ceux accessibles à la plupart des étudiants universitaires, bénéficie d'un ajout plutôt inédit. Les participants pourront s'y exprimer indifféremment en français ou en anglais, un programme se chargeant de la traduction automatique, afin que les communications se fassent dans les deux langues.

Les cours pourront de plus être suivis sur cellulaire. « Qu'il soit dans un café, au parc, dans un train de banlieue ou entre deux cours, l'étudiant peut accéder à l'interface sur son téléphone mobile », indique M. Warren.

« Du point de vue de la technique, des invités, de la langue ou de la méthode d'enseignement, on a fait des choses qui n'avaient jamais été faites », se félicite Jean-Philippe Warren, manifestement enthousiasmé par le projet.

Pour sa première mouture, le nombre d'inscriptions a été limité à 100 et les places ont rapidement trouvé preneur, le cours étant déjà complet.

Les étudiants inscrits doivent être au Québec pour suivre le cours, mais désireux de pousser l'expérience plus loin, M. Warren ne cache pas qu'il souhaite voir le nombre de places offertes augmenter la session prochaine et l'accès s'étendre au-delà de la province.

Le professeur rêve aussi de créer un cours similaire, cette fois à propos de Montréal, cette « ville-quartier » qui recèle « plusieurs sociétés en une ».

Photo fournie par l'Université Concordia

Le professeur Jean-Philippe Warren