Les quelques semaines qui précèdent la rentrée scolaire sont, pour les entreprises spécialisées dans la vente d'uniformes, pour le moins occupées. Devant la boutique Piacente de la ville de Mont-Royal, la semaine dernière, les parents sortaient avec des sacs pleins et des factures avoisinant parfois le millier de dollars.

Si les écoles assurent que la qualité des vêtements, leur lieu de confection et les services offerts influent sur le choix d'un fournisseur, une autre variable moins connue pourrait entrer en ligne de compte : certains établissements scolaires reçoivent de l'argent de ces «partenaires».

C'est le cas du Collège Sainte-Anne de Lachine, établissement privé qui fait affaire avec l'entreprise Piacente depuis plusieurs années. Lorsque la question des ristournes est soulevée, le directeur de l'établissement observe un silence.

«Piacente contribue à la fondation du Collège», dit finalement Bernard Héroux. Est-ce un pourcentage des ventes ou une somme fixe remise au Collège chaque année? «C'est confidentiel.» Est-ce écrit dans le contrat? «C'est confidentiel», répète le directeur.

Au Collège de Montréal, où on n'a jamais changé de fournisseur, Piacente verse à l'établissement un pourcentage des ventes effectuées dans ses boutiques. «Ça peut être versé à la fondation ou directement au Collège», dit Patricia Steben, directrice générale de l'établissement, qui refuse de dire à combien s'élève cette ristourne.

Ces ristournes existent chez d'autres fournisseurs et ces écoles ne sont pas les seules à tirer des revenus de leur association avec une entreprise qui fournit des uniformes. C'est aussi le cas de certaines écoles de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), où ces redevances vont de 1 à 5% du montant des ventes.

Rabais plutôt que redevances

Les écoles contactées par La Presse n'informent pas les parents de cette pratique, mais soutiennent que le système des ristournes n'augmente en rien le prix des vêtements à la caisse.

Pourtant, à la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, où trois écoles exigent l'uniforme, une seule a choisi d'obtenir directement des redevances d'une entreprise. «Les autres ont préféré avoir un rabais supplémentaire sur les vêtements», explique la porte-parole Mélanie Poirier.

«D'une certaine façon, c'est de l'argent qui vient des parents», reconnaît le copropriétaire de l'entreprise Unimage, Enzo Mancini. «Tout se négocie : il y a des écoles qui disent qu'elles veulent un prix plus agressif, mais qu'elles ne veulent pas de ristourne. On ajuste un peu les prix.»

M. Mancini ne comprend pas pourquoi certains établissements sont réticents à parler de ces ristournes. «Il n'y a pas de cachette. Souvent, on donne directement à la fondation un pourcentage de nos ventes. Il y a d'autres écoles qui nous disent que leur fondation est assez à l'aise et qui veulent qu'on appuie leurs équipes sportives. Pour la majorité des écoles, on a une entente, mais ce n'est pas un chèque qu'on remet directement à une personne», illustre-t-il.

«Le prix, c'est essentiel»  

Certaines entreprises affirment toutefois vouloir se distancier de cette pratique. Raphaël U, qui habille surtout des élèves du réseau public, assure qu'elle n'inclut pas ce type d'entente à ses contrats.

«C'est le parent qui débourse pour les vêtements. Plutôt que de donner une ristourne aux écoles, on préfère donner l'argent directement aux parents, dit Tammy Hattem, copropriétaire de l'entreprise. Il y a beaucoup de fournisseurs qui le font, mais ça a commencé à changer parce que le prix, c'est essentiel.»

Flip Design, qui fait elle aussi affaire principalement avec le réseau public, assure qu'elle n'accorde pas de ristournes en argent. «Je ne fais pas de dons aux écoles. Je remets 1% de mes ventes en vêtements pour les familles les plus démunies», dit Caroline Marois, copropriétaire de l'entreprise.

La Fédération des établissements d'enseignement privés assure que ses membres qui obtiennent des ristournes de fournisseurs de vêtements utilisent cet argent pour les services aux élèves. Les ristournes profitent souvent aux élèves qui ont besoin d'une aide financière pour fréquenter ces établissements, précise-t-on.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La boutique Piacente, à Mont-Royal.

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D'IMPORTANTES VARIATIONS DE PRIX

Il arrive que les prix de certains vêtements qu'on jugerait en tout point semblables varient énormément chez un même fournisseur, parfois du simple au double, quand on passe d'une école publique à une école privée. Un polo, par exemple, peut être vendu de 15 à 30 $ par la même entreprise, a constaté La Presse.

«Parfois, les prix ne sont pas les mêmes pour un même chandail, je trouve ça bizarre», a également confié une personne de l'industrie à La Presse. «Je vois des produits identiques qui varient de 10 $.»

Les détaillants assurent qu'ils ne modifient pas les prix en fonction de la clientèle à laquelle ils s'adressent. «Les prix pour un même item sont les mêmes à la base, explique François Bovet, propriétaire des entreprises Piacente et Uniformes Sauvé. Il y a beaucoup de facteurs en arrière de ça : le style, la composition du tissu, l'endroit de la fabrication, la mise en marché.»

Cet avis est partagé par le propriétaire d'Unimage. «Le service que j'offre va faire varier le prix, si je me déplace avec mon équipe dans une école, par exemple. Quand c'est un service en boutique, je peux être un peu plus agressif», dit Enzo Mancini.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La boutique Piacente, à Mont-Royal.