Les parents sont allés jusqu'à proposer de payer de leur poche une partie de la facture. Mais en vain. Près de 700 élèves de trois écoles à vocation particulière de Montréal seront privés de transport scolaire en septembre prochain. Leurs parents devront se débrouiller matin et soir, quitte à envoyer à pied leurs enfants à distance de marche à l'école de leur quartier.

Le petit Arnaud, en 3e année du primaire, est surdoué en plus d'être atteint d'un trouble du déficit de l'attention (TDAH). Il fréquente l'école alternative Atelier, dans Ahuntsic. Son arrêt d'autobus est à deux minutes de marche de chez lui. Mais en voiture, ses parents passeront près d'une heure chaque jour dans des allers-retours entre la maison, l'école et le travail, affirment-ils.

Sa mère, Anne Bhéreur, est partie en croisade pour faire annuler la décision de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Elle explique que la pédagogie ouverte de l'école est « miraculeuse » pour son fils. Mais rien à faire. Déficit oblige, le transport sera aboli à l'école Atelier et dans deux autres écoles à vocation particulière, FACE et Fernand-Seguin.

« Je m'estime chanceuse puisque je serai quand même en mesure de voyager mes deux enfants. Mais ce n'est pas le cas pour tous les parents. Je pense entre autres à une mère monoparentale qui devra inscrire ses enfants au service de garde, avec les frais pour elle, et pour l'école. »

« C'est aberrant quand on y pense. On coupe d'un bord pour entraîner des coûts additionnels de l'autre », déplore Anne Bhéreur.

Après avoir interpelé durant des semaines la commission scolaire, les parents ont reçu une réponse il y a quelques jours. La présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon, a expliqué par écrit que le ministère de l'Éducation a « clairement indiqué » que les subventions pour le transport seraient abolies si des frais sont facturés aux parents. Une autre option a été explorée, à savoir la mise en place d'une autre plage horaire de transport pour les écoles à vocation particulière.

« Mais c'est tout le réseau qu'il faudrait revoir, a expliqué Mme Harel-Bourdon aux parents. Soit la modification de l'horaire d'au moins 125 écoles pour créer un bloc horaire "C" et, du même coup, financer le transport des élèves des écoles à vocation particulière dans ce bloc », a-t-elle ajouté dans une lettre que La Presse a obtenue.

Comme prix de consolation, la CSDM soutient être en pourparlers avec la Société de transport de Montréal (STM) pour obtenir un service gratuit ou des tarifs réduits. Mme Harel-Bourdon a précisé que la décision a été prise à « contrecoeur dans le cadre des compressions gouvernementales et du Plan à un retour à l'équilibre ».

Des larmes

Pendant ce temps, Anne-Marie Tremblay gère les pleurs de ses trois enfants qui fréquentent l'école Face, un établissement d'enseignement consacré aux arts, au centre-ville de Montréal.

« C'est tout un drame pour mes enfants, et pour nous aussi, dit-elle. J'ai fait le calcul, ça va me coûter 500 $ par année pour le transport en commun de mes enfants, sans compter les titres de transport pour mon conjoint et moi. On est toujours en train de couper en éducation. De la façon dont je vois ça, les écoles à vocation particulière vont être réservées à l'élite. À ceux qui auront le moyen de payer du transport privé. »

« Le pire, c'est qu'on nous a mis devant un fait accompli, il n'y a pas eu de consultations », explique Anne-Marie Tremblay.

Avec l'aide des parents de l'école Face, Mme Tremblay a déposé un argumentaire auprès de la CSDM pour renverser la vapeur. Sur le plan écologique, ils ont fait valoir que l'école est située en plein centre-ville, et qu'un autobus rempli d'élèves permet de retirer 40 voitures de la route. Avec 357 élèves qui voyagent actuellement dans 9 autobus, le retrait du service pourrait ajouter jusqu'à 200 voitures à l'heure de pointe. Ils ont sondé les parents, et seulement 24 % des familles ont affirmé qu'ils se tourneront vers les transports en commun en raison, notamment, du jeune âge de leurs enfants.

599 857 639 $

La somme de base accordée aux 69 commissions scolaires pour le transport scolaire, pour l'année scolaire 2015-2016, est de 599 857 639 $. Cette somme est indexée annuellement par le gouvernement en fonction de l'indice des prix à la consommation (IPC). À la CSDM, le budget accordé au transport scolaire a atteint un peu plus de 18 millions en 2014-2015, ce qui représente 1,77 % du budget de ses services parascolaires. En comparaison, plus de 57 millions sont consacrés aux services de garde. À noter que le transport scolaire est financé en partie avec les revenus de la taxe scolaire.

Les écoles touchées

Atelier

L'école Atelier accueille chaque année environ 300 enfants du préscolaire à la 6e année. Elle se définit comme une école publique choisie par des parents qui acceptent de s'y investir, parce que cette école vise à responsabiliser l'enfant à l'égard de ses différents apprentissages. Les titulaires et les autres intervenants agissent à titre de personnes-ressources et les parents sont invités à participer activement dans la classe de leurs enfants et comme partenaires de l'école.

FACE

FACE est un modèle unique d'école publique au Québec. Occupant un bâtiment historique dans le centre-ville de Montréal, l'école propose un programme arts-études axé sur les beaux-arts qui permet aux enfants, du préscolaire à la 5e secondaire, de s'approprier quatre volets artistiques : arts plastiques, arts dramatiques, musique vocale et musique instrumentale.

Fernand-Seguin

L'école Fernand-Seguin, située dans le quartier Ahuntsic, compte quelque 300 élèves du préscolaire 5 ans à la 6e année. L'établissement accueille, par sélection, des élèves doués et talentueux provenant de l'ensemble du territoire de la CSDM. L'équipe-école vise à répondre aux besoins spécifiques des enfants, par de multiples activités d'enrichissement en mathématiques, en français, en univers social et en sciences.