Les élèves d'une classe de réadaptation scolaire de l'école primaire publique des Pins, à Oka, ont eu la joie de s'installer à de nouveaux pupitres il y a quelques jours. Les pupitres n'ont pas été achetés à même le budget de la petite école. Ils ont été ramassés au bord d'une cour d'école, par leur enseignante, dans les ordures de l'école privée Académie Sainte-Thérèse de Rosemère.

L'enseignante Anik Roussin a découvert l'amoncellement de pupitres tout bonnement, mardi soir dernier, en consultant les réseaux sociaux. Une collègue outrée par le bon état du mobilier scolaire avait téléchargé la photo. Mme Roussin n'en croyait pas ses yeux, tellement qu'elle a décidé d'aller vérifier le soir même.

«Il pleuvait, il y avait de la boue, c'était glissant. C'était la veille de la grève des enseignants de notre fédération. Je n'avais pas l'espace dans mon auto, mais j'ai décidé d'en ramasser deux tellement ils étaient en bon état. Vous savez, nos pupitres sont vieux, rouillés, grafignés. On passe notre temps à repeindre et à visser nous-mêmes le mobilier scolaire. Ça n'a aucun sens.»

Le lendemain, jour de grève pour 34 000 enseignants, c'est son père qui a repris la route vers les pupitres au volant d'un camion. Il s'est informé au nom de sa fille auprès du concierge de l'Académie Sainte-Thérèse. Ce dernier lui a indiqué qu'ils étaient de toute façon destinés à un ferrailleur qui récupère le métal. À la fin de la journée, l'école des Pins avait 13 nouveaux pupitres provenant de l'école privée subventionnée. Mme Roussin est contente, sa quinzaine d'élèves aussi.

«Du gaspillage»

«Les pupitres ont l'air neufs à côté de mes vieux pupitres, dit-elle. Au-delà de la joie pour mes élèves, je trouve que c'est du gaspillage de les avoir mis aux déchets. Surtout provenant d'une école privée subventionnée, dans le contexte budgétaire actuel de compressions.»

La directrice générale de l'Académie Sainte-Thérèse, Rose De Angelis, confirme le récit, mais ne partage pas l'avis de l'enseignante au sujet de l'état des pupitres. «Ils ont l'air beaux comme ça, mais ce sont des pupitres qu'on a soudés. J'espère pour elle qu'elle ne sera pas là le jour où ils vont tomber sur les pieds d'un élève», prévient-elle.

Mme De Angelis n'a pas été en mesure de préciser l'âge des pupitres, mais elle indique que ça lui aurait fait «plaisir» de les offrir à l'école des Pins si l'enseignante lui en avait fait la demande. Même qu'elle enjoint à la direction de la petite école de la contacter en cas de besoin.

«On donne chaque année des livres et du matériel scolaire aux écoles dans le besoin, explique-t-elle. Dans les deux dernières années, grâce au défi Pierre Lavoie, on a versé 10 000$ pour les écoles moins favorisées. Quant à ces pupitres, ils étaient destinés au recyclage, pour le métal et le bois.»

La FAE s'insurge

«C'est une histoire qui peut paraître anecdotique, mais ça va mal quand on est rendu à équiper les écoles publiques avec le privé», s'insurge pour sa part Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui a tenu un premier jour de grève la semaine dernière. Son association représente les enseignants de l'école des Pins, dans la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles (CSSMI).

Selon M. Mallette, il n'est pas rare de voir des enseignants dans les classes du réseau public travailler avec des pupitres datant de 30 ou 40 ans. Et dans plusieurs cas, de mobilier datant de la construction des écoles. «Pendant ce temps, les directions générales des sièges sociaux ont de l'équipement, des bureaux dernier cri. Les gens devraient aller voir ça.»

Par devoir de «transparence», la directrice de l'école des Pins, Mélanie Beaulieu, a demandé à La Presse de contacter la commission scolaire pour s'enquérir de l'état du mobilier scolaire.

Anik Gagnon, directrice adjointe aux affaires publiques, indique que le budget pour acheter des pupitres est décentralisé. Il relève donc de chaque école. Elle a précisé qu'elle n'a «aucune idée» de l'âge des pupitres à l'école des Pins, mais que, selon elle, les pupitres sont en bon état.

«Je n'étais pas là, mais je peux vous dire que les pupitres qui ont été remplacés sont de l'ancienne génération, ils étaient en bon état. Ceux que l'enseignante a ramassés sur le chemin sont de la nouvelle génération, mais ils ne sont pas neufs. Il faut comprendre qu'un pupitre est souvent plus cher à réparer qu'à mettre au recyclage», soutient Mme Gagnon. La CSSMI précise qu'aucune sanction ne sera imposée à Mme Roussin ni à la direction de l'école des Pins.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Des pupitres déposés dans les ordures de l'école privée Académie Sainte-Thérèse de Rosemère.