Les enseignants sont choqués par le projet-pilote du gouvernement visant à ramener les cours d'éducation sexuelle dans les écoles du Québec. Si les deux principaux syndicats de l'enseignement appuient le retour des cours et leur contenu, ils estiment que leurs membres ne sont pas suffisamment formés pour inculquer ces apprentissages et qu'ils bénéficieront de très peu de soutien pour le faire.

« On est en colère. Car ce projet laisse faussement croire à la population que le gouvernement s'occupe de ce dossier, alors que ce n'est pas le cas », dénonce Nathalie Morel, vice-présidente à la vie professionnelle à la Fédération autonome de l'enseignement (FAE).

« La façon de faire est inacceptable. On ne fait pas plus de place dans l'horaire pour ces cours. Mais on demande aux enseignants de se débrouiller pour trouver du temps et le donner. Tout va encore reposer sur les épaules des enseignants », critique Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE).

La Presse a révélé hier matin que dès septembre, une quinzaine d'écoles primaires et secondaires de la province offriront entre 5 et 15 heures d'éducation sexuelle par année. Des sujets comme l'orientation sexuelle et les maladies transmissibles sexuellement seront abordés. Le projet-pilote, d'une durée de deux ans, vise éventuellement à ramener les cours d'éducation sexuelle dans les écoles.

Manque de soutien

Les enseignants souhaitent depuis longtemps un retour des cours d'éducation sexuelle. Depuis l'avènement de la réforme qui avait aboli les cours de formation personnelle et sociale, « 80 % des écoles n'offraient pas le strict minimum en matière d'éducation à la sexualité », écrit Mme Morel dans une lettre envoyée au ministre de l'Éducation François Blais le 10 juin dernier, et dans laquelle la FAE qualifie le projet-pilote du gouvernement de « fausse solution ».

Selon Mme Morel, l'éducation à la sexualité « exige un programme intégré à la liste des matières obligatoires et non un saupoudrage d'apprentissages [...] sans une formation initiale adéquate pour les enseigner ».

« Le contenu des cours est approprié. Mais très peu d'enseignants sont actuellement qualifiés pour les offrir. »

Le ministère de l'Éducation prévoit que des formations seront offertes aux enseignants par des « agents multiplicateurs ». Québec prévoit également que les spécialistes des écoles, comme les psychologues et les infirmières, appuieront les enseignants dans leur tâche. « Mais la vérité, c'est qu'il n'y en a pas des spécialistes dans les écoles », dit Mme Morel. « On demande aux enseignants de faire plus, en ne leur offrant aucun soutien », ajoute Mme Scalabrini.

Parler de sexualité dans les classes peut faire resurgir « plusieurs problématiques », note Mme Morel. Des jeunes peuvent par exemple confier avoir subi des agressions sexuelles. « Qui viendra soutenir les jeunes et les enseignants là-dedans ? », demande-t-elle.

Mme Morel ajoute que le projet-pilote ne tient aucunement compte des différentes réalités culturelles. « Dans certaines écoles très multiculturelles, les apprentissages liés à la sexualité ne sont pas vus de la même façon. Il faut en tenir compte dans les enseignements. Mais on n'en fait mention nulle part », dénonce-t-elle.

Davantage de place aux sexologues

Depuis des années, l'équipe de sexologues de l'organisme Émissaire offre des cours d'éducation sexuelle dans les cours de formation aux adultes et dans les Carrefours Jeunesse-Emploi.

« La majorité des enseignants nous disent qu'ils ne sont pas à l'aise de parler de sexualité. Nous sommes formés pour aborder ces sujets de façon professionnelle », dit le président de l'organisme Émissaire, Sylvain Gauthier, qui a demandé au Ministère que des sexologues offrent les cours d'éducation sexuelle dans les écoles.

Julie White, attachée de presse du ministre de l'Éducation François Blais, indique que le projet-pilote « permettra d'ajuster » la façon dont les cours d'éducation sexuelle seront offerts. « Il y a un consensus au Québec sur le retour de ces cours. Un comité consultatif a également recueilli les avis de tous. On croit que ça va bien se passer », dit-elle.