Ça, c'est une bataille que Maryse Savoie ne pensait jamais avoir à mener.

Comme tant d'autres parents qui ont, comme elle, un enfant autiste, Mme Savoie raconte avoir passé une partie de sa vie à mener des combats. Un combat pour que son fils Trevor soit admis à une école secondaire qui ne se trouve pas à des kilomètres de la maison, un autre pour qu'il n'ait pas à se déplacer jusqu'à Outremont pour poursuivre sa scolarité à la prochaine rentrée, alors que la famille habite à Senneville, dans l'Ouest-de-l'Île, des combats pour l'accès à certains services sociaux et programmes particuliers. « Les représentations auprès des commissions scolaires et de l'école, les lettres envoyées aux députés et aux ministres, ça me connaît ! », dit Mme Savoie en entrevue à La Presse.

Cette semaine, elle a envoyé un courriel à chaud à la collègue Rima Elkouri, à La Presse, pour faire écho à une chronique qui portait sur l'inclusion scolaire.

En juin, son fils de 17 ans, qui ne présente pas de trouble de comportement, terminera son parcours atypique à l'école secondaire Félix-Leclerc de Pointe-Claire, qui relève de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Mais contrairement aux élèves du secteur ordinaire, son fils, comme d'autres jeunes de sa classe adaptée, ne seront pas conviés à la cérémonie de remise des diplômes.

« Je l'ai appris quand une enseignante m'a gentiment proposé d'organiser une cérémonie "spéciale" pour souligner le départ de mon fils et de ses camarades. », explique Mme Savoie.

Elle a sursauté. Comment ? Trevor et les autres élèves dans sa situation ne sont-ils pas attendus, comme tous les autres, à la collation des grades ? Cela n'allait-il pas de soi ?

Dans le courriel qu'elle nous a envoyé, Mme Savoie souligne à grands traits à quel point les deux enseignantes de son fils, Lyne et Nicole, ont été exceptionnelles. « Elles sont d'un dévouement peu commun et elles ont véritablement à coeur le bien-être de leurs élèves, écrit-elle. Elles n'épargnent aucun effort en ce sens. »

« Notre fils a fait des progrès énormes et mon mari et moi leur sommes extrêmement reconnaissants. Raison de plus de célébrer cette fin qui approche et de terminer le tout en beauté », croit Mme Savoie.

Mais cela ne se fera pas. Mme Savoie a parlé trois fois à la directrice adjointe, qui ne corrige pas le tir.

En entrevue, la directrice de l'école Félix-Leclerc, Diane Vallée, persiste et signe. Elle signale que le cas de ces enfants qui ont un cheminement particulier est comparable à celui d'élèves qui partent avant la 5e secondaire pour poursuivre une autre formation.

Bien que Trevor ait passé les cinq dernières années à l'école Félix-Leclerc et bien qu'il doive nécessairement changer d'établissement pour poursuivre son cheminement scolaire, il n'a pas terminé les deux cycles du secondaire qui lui donnent droit à un diplôme. « Comme d'autres jeunes dans son cas, il sera donc plutôt invité au gala des Méritas », explique Mme Vallée.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Chris Jackson et Maryse Savoie mènent un combat pour que leur fils Trevor Jackson, autiste, puisse assister à la cérémonie de remise des diplômes de son école secondaire.

Geste symbolique ? 

Comme le fait valoir Mme Savoie, les élèves du secteur ordinaire qui recevront leur diplôme au cours des prochaines semaines n'auront pas davantage fait leurs examens du Ministère. Certains d'entre eux échoueront sans doute à des examens, fait-on valoir. 

À cela, Mme Vallée répond que « les taux de réussite de [leurs] élèves sont excellents » et que la tradition de remettre les diplômes en juin plutôt qu'en octobre « n'est pas coulée dans le béton » et qu'elle pourrait de fait être revue. 

Ces réponses concordent avec celles que Mme Savoie dit avoir reçues de la direction de l'école. Seuls seront invités ceux qui sont réputés avoir terminé leurs deux cycles du secondaire, en bonne et due forme. 

« Comme la plupart des autistes, Trevor n'est pas très sociable et il n'a aucune envie d'aller à son bal de finissants. Par contre, il a assisté à la remise du diplôme de sa soeur et il avait très hâte de recevoir le sien, de lancer son mortier, et tout cela. Dans la vie, il y a des rites de passage, et celui-là, pour lui, comme pour tout le monde, comptait beaucoup. En quoi sa participation à cet événement pénaliserait-elle qui que ce soit ? »

« On m'a dit que c'était la tradition de procéder ainsi, à l'école Félix-Leclerc, conclut-elle. Mais est-ce une bonne idée de perpétuer une tradition d'exclusion ? »