L'Université du Québec à Montréal (UQAM) a convoqué un certain nombre d'étudiants - neuf selon certains des jeunes visés - qui risquent d'être suspendus pendant un an, voire expulsés définitivement de l'institution, pour leur participation à des manifestations tumultueuses et à des perturbations survenues au cours des deux dernières années.

Une représentante étudiante au conseil d'administration de l'institution fait partie du groupe.

Les étudiants en cause ont reçu vendredi, par courrier recommandé, leur avis de convocation devant le comité exécutif de l'université. Six d'entre eux risquent la suspension pendant un an, alors que trois autres pourraient être carrément expulsés.

Le flou persiste quant aux actes précis qui leur sont reprochés.

Selon les militants étudiants, les faits remonteraient à aussi loin que janvier 2013. Ils auraient notamment trait à une manifestation contre la vidéosurveillance, à des levées de cours en 2014 et à un événement datant de janvier dernier, soit la perturbation d'une conférence que venait donner à l'UQAM un sous-ministre.

«Les accusations ressortent comme par magie - les neuf ensemble - la journée avant le début d'une grève étudiante qui s'annonçait déjà mouvementée à l'UQAM. Ça nous apparaît très fortement [...] comme une tentative politique de l'UQAM d'attaquer le mouvement avant même qu'il ne débute», a déploré Samuel Cossette, un des étudiants qui risquent l'expulsion définitive des murs de l'institution.

Un règlement «jamais utilisé»

Justine Boulanger, membre du conseil d'administration de l'UQAM - et de son comité exécutif - pourrait subir le même sort. L'université «invoque un règlement qu'elle n'a jamais utilisé auparavant - jamais appliqué aux activités politiques - pour encadrer les activités politiques de militantes et militants», a-t-elle dénoncé.

«Ce sont des gens qui, pour la plupart, siègent sur des comités exécutifs d'associations étudiantes, sur différentes instances de l'UQAM à différents niveaux ou sont des anciennes exécutantes ou des anciens exécutants. Des noms relativement connus du milieu étudiant», a continué M. Cossette.

Hier, la porte-parole de l'UQAM, Jenny Desrochers, refusait d'émettre quelque commentaire que ce soit en évoquant le caractère confidentiel des dossiers.

Au même moment, la section éditoriale de La Presse recevait cependant une lettre du recteur de l'UQAM, Robert Proulx, qui, en réaction à tout ce qui s'écrit sur son institution ces jours-ci, tenait à préciser que l'UQAM ne prenait pas du tout les choses à la légère.

«Tout membre qui contrevient aux règlements de l'UQAM ou commet des actes illégaux s'expose à des sanctions, depuis l'avertissement jusqu'à la suspension ou l'exclusion pure et simple de l'Université.»

«Un tel processus, ajoute le recteur, prend cependant un certain temps pour être conduit correctement à son terme.»

Les étudiants passibles de suspension ou d'expulsion sont visés par l'article 4.3 du règlement 10 de l'UQAM, selon Justine Boulanger. Celui-ci vise le «vandalisme et [les] actes illégaux».

Selon ce texte, toute personne qui «cause délibérément des dommages» aux biens de l'Université ou des «sévices» à un membre du personnel, à un étudiant ou à toute autre personne peut se voir suspendre ou expulser par le comité exécutif de l'UQAM. Le règlement s'applique aussi à ceux qui «contrevien[nen]t aux Règlements de l'Université ou commet[tent] d'autres actes illégaux».

Des professeurs consternés

André Mondoux, professeur à l'École des médias de l'UQAM, trouve que «plusieurs choses sont dérangeantes dans cette histoire».

D'abord, dit-il, si les faits reprochés aux étudiants sont si graves, «pourquoi a-t-on attendu deux ans avant de les punir?»

Il est aussi consterné de voir que l'une des étudiantes visées comparaîtra dès ce vendredi et qu'elle n'a donc eu qu'une petite semaine pour se préparer d'un point de vue juridique. «En plus, elle n'a même pas eu accès à la totalité du dossier qu'on a monté contre elle, seulement à des extraits.»

Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l'UQAM, est tout aussi outré. «Il s'agit clairement d'une instrumentalisation politique des mesures disciplinaires, considérant que certains des faits reprochés datent de janvier 2013, et que la sanction tombe maintenant au début de la grève, sans aucun avertissement. Politiser ainsi la discipline a un nom: répression politique.»

Bien que l'UQAM soit régulièrement le théâtre de revendications étudiantes, il est exceptionnel que cela se traduise par des suspensions ou des expulsions.

La direction de l'UQAM a refusé hier de dire combien de fois cela était survenu ces derniers temps. Selon nos recherches, les dernières suspensions du genre datent de 2008. Trois étudiants avaient alors été suspendus pendant 20 jours.