Au Québec, 72% des «places en garderie à 7$» sont offertes dans des services de garde en milieu familial. Impossible de juger de la qualité de ces milieux actuellement, puisqu'aucune étude n'a été menée sur le sujet depuis 2005. Certains jugements rendus par le Tribunal administratif du Québec permettent toutefois de comprendre que toutes les installations ne sont pas parfaites.

Québec étudiera la qualité des milieux de garde

Garderie en milieu familial: une formation au rabais

La scène se passe en 2008, dans un service de garde en milieu familial du Québec. Des inspectrices constatent que l'endroit, qui accueille neuf bambins, n'a «pas suffisamment de jouets pour permettre de combler les besoins des enfants», qui sont «laissés à eux-mêmes». Un enfant de 18 mois dort dans un parc dont le pourtour en filet est déchiré. Du linge sèche autour du parc. La responsable du service de garde avoue qu'elle ne sort pratiquement plus les enfants dehors.

Malgré ces graves lacunes, ce n'est que trois ans plus tard que le permis de la responsable du service de garde en milieu familial (RSG) à 7$ a été suspendu.

Encore aujourd'hui, il est impossible de connaître le nom de la responsable. Ni son adresse. Impossible également de savoir où les faits se sont produits. Car toutes les informations concernant les responsables de services de garde en milieu familial du Québec sont confidentielles.

La chance au coureur

Fermer un service de garde en milieu familial de piètre qualité est un processus très long et complexe. «Ça prend de quatre à cinq ans, monter le dossier», explique la directrice d'un bureau coordonnateur de Montréal, qui a requis l'anonymat, comme tous ses collègues joints par La Presse, de peur de représailles.

Les bureaux coordonnateurs ont le mandat de délivrer les permis à 7$ aux RSG. Trois fois par année, des inspecteurs du bureau coordonnateur se rendent à l'improviste dans ces milieux de garde pour voir si tout est conforme.

Parfois, les services de garde visités sont loin d'être parfaits. Les lieux ne sont pas toujours propres. Les activités éducatives sont parfois inexistantes et l'alimentation est limitée, affirment des responsables de bureaux coordonnateurs. Mais la grande majorité de ceux-ci se contentent de faire des suggestions pour améliorer le service.

Certains directeurs de bureaux coordonnateurs trouvent d'ailleurs que le réseau est trop permissif. «On laisse passer plusieurs choses, comme des RSG qui laissent les enfants beaucoup trop longtemps devant la télévision. D'autres qui ne sortent jamais dehors. Qui n'offrent pas assez de nourriture...», précise une directrice de bureau coordonnateur de Montréal.

Même si seulement de 5 à 10% des RSG font preuve de négligence, on peut en questionner la qualité, selon Christa Japel, professeure au département d'éducation et de formation spécialisée à l'Université du Québec à Montréal. Dans la dernière étude menée sur le sujet en 2005, Mme Japel notait que 71% des garderies en milieu familial subventionnées étaient de qualité «minimale ou carrément inadéquate».

«Il est très difficile, en faisant trois visites par année, de réellement améliorer le réseau», note une directrice de bureau coordonnateur de Montréal.





Il se frappe la tête

Il est facile de révoquer le permis d'une RSG pour une faute flagrante. «Mais pour les fautes plus subtiles, comme des carences alimentaires ou des carences pédagogiques, c'est long», déplore la directrice générale d'un autre bureau coordonnateur de la métropole.

Par exemple, il a fallu deux ans pour fermer un service de garde en milieu familial où la sécurité des enfants était pourtant menacée. On avait noté que la responsable attachait régulièrement un enfant de 2 ans et demi dans sa chaise pendant qu'elle faisait la sieste au sous-sol avec les autres. «Laissé à lui-même, l'enfant se balançait dans un mouvement d'avant en arrière, en se frappant la tête à répétition sur le dossier au point d'en perdre ses cheveux, et pleurait jusqu'à ce qu'il s'endorme», relève le Tribunal administratif du Québec dans un jugement de décembre 2013, qui confirme que le bureau coordonnateur a eu raison de révoquer le permis de la ressource.

Plusieurs autres faits étaient reprochés à la RSG, dont celui de «perdre» des enfants lors de sorties à l'extérieur. Le permis a finalement été suspendu en novembre 2011, plus de deux ans après les premières infractions. Et c'est une plainte d'un parent faite à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) qui a mené à la suspension.

La directrice du Regroupement des centres de la petite enfance de l'île de Montréal, Suzanne Pion, répète que ces cas sont «exceptionnels». Elle mentionne que seulement 11% des plaintes reçues chaque année pour les services en petite enfance touchent les services de garde en milieu familial, contre 86% pour les garderies privées. «La grande majorité des RSG sont de qualité», assure-t-elle.

Représentante du secteur RSG pour la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Lucie Longchamps affirme que 90% des plaintes formulées contre les RSG sont non fondées. « Ça provient souvent d'un parent qui part et qui est frustré. Mais le stress causé par ces plaintes à la RSG, qui craint de perdre son permis, est énorme. »

Mme Japel reconnaît que le réseau des RSG reçoit moins de plaintes que celui des garderies privées et des centres de la petite enfance. «Mais souvent, les parents ont une relation personnelle avec la responsable. Ils n'osent pas porter plainte. Un peu aussi par peur des représailles, dit-elle. Les RSG peuvent aussi choisir leur clientèle et révoquer le contrat quand elles le veulent. Les parents sont donc un peu piégés...»

Mme Japel rappelle que les enfants «passent beaucoup de temps en service de garde». «Il est donc important de mettre le paquet pour s'assurer que le milieu favorise le développement de l'enfant», dit-elle.