«Il y a 25 ans, une réussite, c'était quand une fille se mariait et avait des enfants.»

Aujourd'hui, les ambitions de la chef de La Passerelle, José Gauthier, sont plus modestes: que ses protégées cessent simplement de se mettre en danger ou de mettre les autres en danger. À cet égard, c'est souvent un succès: parmi les 116 adolescentes sous tutelle de la DPJ gardées en encadrement intensif au cours des trois dernières années, 75 n'y sont allées qu'une fois. Du moins, jusqu'ici.

«Il ne faut pas avoir la pensée magique, prévient la chef de La Passerelle. Ce n'est pas vrai qu'on est comme le vaccin H1N1, que les filles sortent de chez nous guéries. Elles ont toutes une dynamique de fond qui remonte à loin. Ce qui a été fait est très long à défaire.»

Plusieurs de ses anciennes protégées pourraient encore revenir: 41 filles l'ont déjà fait, dont 19 de 3 à 6 fois.

«Il y a beaucoup de cas chroniques, mais elles ont évolué par rapport à la première fois. On pense que les graines qu'on sème auront un impact. Parfois, quelque chose d'anodin cause un déclic», dit Johanne.

«Si la prochaine fugue est moins longue et qu'elles ne retournent pas dans un gang, c'est déjà une victoire», renchérit Annick.

Les filles rencontrées à La Passerelle avaient toutes un rêve à partager: toiletter des chiens, être hygiéniste dentaire, devenir avocate pour combattre l'injustice.

Y parviendront-elles? Ce n'est pas impossible. «Rien ne vaut l'appel ou la visite d'une fille qui te dit: «Je travaille à tel endroit. Je ne consomme plus et c'est grâce à toi», rapporte Annick. Quand elles reviennent, elles sont touchées aussi. On se souvient de plein de choses à leur sujet. Elles ne sont pas des numéros.»

Bien sûr, il y a des cas plus lourds que d'autres. José refuse toutefois de perdre espoir. «Elles sont très mal en point, mais ce n'est pas vrai que leur vie est finie, dit-elle. Il y a des gens qui ont vécu la guerre, toutes sortes d'horreurs, et qui s'en sortent.»