Un autre bras de fer juridique impliquant des entreprises ayant joué un rôle dans le déraillement ferroviaire survenu à Lac-Mégantic se profile à l'horizon.

Québec a ordonné lundi aux «compagnies impliquées» dans la catastrophe de réhabiliter entièrement les lieux souillés par les quelque 5,7 millions de litres de pétrole léger s'étant échappés des wagons du convoi de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA).

De passage dans la municipalité estrienne, lundi, le ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, a prévenu les destinataires de cette ordonnance que la facture des travaux de nettoyage et de décontamination ne serait pas refilée à la population québécoise.

Le ministre Blanchet a martelé «qu'il est hors de question que ce soient les Québécois et les Québécoises, les contribuables, qui doivent assumer le coût de cette restauration».

«C'est clair qu'il n'y a pas de recours dont on se privera pour aller chercher les sommes nécessaires», a poursuivi le député de Johnson.

L'ordonnance du gouvernement vise la MMA et une société affiliée, Western Petroleum Company ainsi que World Fuel Services. Elle s'appuie sur l'article 114.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

«Lorsqu'il estime qu'il y a urgence, le ministre peut ordonner à toute personne ou municipalité qui est propriétaire de certains contaminants ou qui en avait la garde ou le contrôle, de ramasser ou d'enlever tout contaminant déversé, émis, dégagé ou rejeté dans l'eau ou sur le sol (...)», peut-on lire dans le texte de loi.

Yves-François Blanchet s'est désolé du fait que les entreprises concernées ne se soient pas manifestées dans les heures ayant suivi l'accident ferroviaire qui a fait 47 victimes dans la nuit du 6 juillet, alors qu'un train sans conducteur a terminé sa course folle dans le centre-ville de Lac-Mégantic.

«Je me serais attendu à ce que les entreprises responsables, comme transporteurs ou comme propriétaires des matières, se manifestent d'emblée (...) au tout début de la crise», a-t-il dit.

Mais à défaut de «pareille certitude», le gouvernement a jugé nécessaire «de lever toute espèce d'hypothèque et toute espèce de doute» en ce qui a trait à la continuité des travaux.

«Je peux vous assurer qu'à partir de maintenant, il n'y aura plus d'arrêt de travaux», a tranché le ministre.

Cette mesure juridique s'inscrit dans la foulée des démarches entreprises par la Ville de Lac-Mégantic.

Au cours des derniers jours, la municipalité s'est vue dans l'obligation de puiser environ 4 millions $ à même ses coffres pour payer des travailleurs embauchés par la MMA qui avaient suspendu temporairement leurs activités, craignant ne pas être payés pour leur labeur.

Une mise en demeure a été envoyée mardi dernier à l'entreprise basée dans l'État du Maine par les avocats de la Ville de Lac-Mégantic, qui exigent un remboursement de ces sommes.

La compagnie ferroviaire n'a pas répondu à la lettre dans les délais prescrits. Elle a demandé aux responsables du dossier de lui accorder jusqu'à mardi pour le faire, selon les informations obtenues dimanche par La Presse Canadienne.

Propriétaires du pétrole visés

World Fuel Services et sa société affiliée Western Petroleum Company sont identifiées dans l'ordonnance déposée lundi par le gouvernement québécois comme les propriétaires du pétrole qui se trouvait dans le convoi de la MMA.

Ces compagnies «ont seulement manifesté leur intention de récupérer le pétrole qui n'a pas été émis, déposé, dégagé ou rejeté dans l'environnement» - donc, dans les neuf wagons ayant conservé l'ensemble de leur contenu, soit 900 000 litres, d'après les chiffres de Québec.

«Ce qu'on sait de différentes sources, c'est que pour le moment, ils n'avaient pas manifesté de façon claire et précise leur intention de récupérer le pétrole qui se retrouve partout dans les sols et les rivières. C'est bien sûr que ce n'est pas suffisant pour nous», a affirmé en entrevue téléphonique Michel Rousseau, sous-ministre adjoint au ministère de l'Environnement.

World Fuel Services a confirmé lundi la réception de l'avis juridique produit par Québec.

«Nous faisons présentement traduire l'ordonnance afin d'être en mesure de l'étudier», a affirmé à l'autre bout du fil Carmen Garcia, responsable des communications de la société établie à Miami.

Les personnes morales visées par l'ordonnance gouvernementale bénéficient d'un délai de 24 heures pour témoigner de leurs intentions.