Des milliers de testaments, probablement ceux de certaines victimes, ont été irrémédiablement détruits dans la tragédie de Lac-Mégantic, ce qui pourrait complexifier le deuil de plusieurs familles.

Deux études notariales - accueillant quatre notaires au total - ont été rasées par les flammes et l'explosion. Un seul bureau a été épargné dans la ville.

Même si les notaires ont l'obligation d'archiver les documents dans une chambre forte résistante à l'eau et au feu, ces installations ne sont pas conçues pour résister à la chaleur extrême qui a dévasté le centre-ville samedi dernier.

«Nous, on part de l'hypothèse qu'il n'y a aucun acte notarié d'épargné», a affirmé Martin Scallon, porte-parole de la Chambre des notaires, en entrevue avec La Presse.

Le ciment de la chambre forte de l'étude de Me Suzanne Boulanger «a fondu, entraînant dans cette destruction les actes qu'elle contenait», a-t-il ajouté. L'autre bureau s'en sort un peu mieux.

Les notaires québécois n'archivent pas leurs documents dans un entrepôt centralisé, comme c'est le cas en France, a ajouté M. Scallon. Les deux seuls exemplaires d'un testament sont bien souvent celui du notaire et celui du client.

La Chambre des notaires a confirmé que les deux seuls exemplaires du testament d'au moins une victime de la tragédie - une voisine de la notaire Boulanger - avaient été détruits dans l'incendie qui l'a elle-même emportée.

Dans les dernières années, la notaire Boulanger avait accumulé quelques documents informatiques - notamment des projets de testaments - qui pourraient donner des indices sur les dernières volontés des défunts.

À défaut de pouvoir reconstituer un testament, les règles du Code civil s'appliqueront. Elles prévoient que l'héritage passe au conjoint ou aux enfants de la victime.

Quatre générations de notaires

L'étude Veilleux et Associés a aussi été rasée. Elle avait toutefois une chambre forte de béton armé.

«On voit très bien la voûte sur les photos aériennes. Par contre, on sait que ça a chauffé énormément et on ne connaît pas l'état des documents à l'intérieur», a indiqué la notaire Andréanne Veilleux, qui s'est fait interdire l'accès aux ruines de ses locaux. Des chambres fortes secondaires auraient été détruites, selon la Chambre des notaires.

La notaire incarne la quatrième génération de notaires Veilleux à Lac-Mégantic. Son arrière-grand-père a commencé à pratiquer en 1911. «Il serait fier de moi», s'est-elle réjouie malgré sa tristesse, en parlant des photos aériennes où l'on voit bien un petit bloc gris au milieu des décombres. Elle espère maintenant que son contenu plus que centenaire est en bon état. Si ce n'est pas le cas, ses archives informatiques remontent jusqu'en 1998.

Dépôt central

Le désastre de Lac-Mégantic accélérera sans aucun doute la création d'un «minutier central» où tous les notaires de la province devront déposer les documents qu'ils conservent dans leurs propres archives.

«Il faut toujours un événement comme celui-là pour nous rappeler qu'en définitive, il faudrait qu'éventuellement les notaires se dotent d'un minutier central», a avancé Martin Scallon. En France, il existe un tel système, avec des copies situées à des kilomètres les unes des autres.

Certains notaires de la vieille école sont moins chauds à cette idée. Mais l'instauration d'un tel système «est une question de temps», selon M. Scallon.