Il est un solide gaillard de près de deux mètres. Mais les traits de Pascal Prud'homme ont conservé quelque chose d'enfantin. Ses immenses yeux bleus semblent prêts à bondir hors de son visage. Franc et direct, le caporal ne parle pas pour ne rien dire.

L'armée, c'est sa passion. Son job, sa fierté. L'Afghanistan, son rêve.

Pascal Prud'homme a 19 ans quand il entre dans les Forces armées canadiennes. Quelques mois plus tard, il est envoyé en Afghanistan avec la réserve opérationnelle. Il s'ennuie.

«Ça a pété ma bulle. Je ne suis pas entré dans l'infanterie pour distribuer des bobettes aux soldats», dit-il.

Il se plaint, et, en réponse, on l'envoie traîner son ennui sur une route qu'il doit surveiller, chaque jour, pendant un mois. Une traversée du désert, certes, mais qui sera payante puisqu'il devient ensuite canonnier pour le général Laroche.

Sitôt rentré à Valcartier, il rêve de retourner au front. En 2009, c'est le moment. «J'étais avec ma gang du 1er Bataillon ici. Je savais qu'ils repartaient et je voulais rester avec eux.» À Kandahar, il devient third in charge (troisième responsable) pour la Team IED (l'équipe de neutralisation d'explosifs). Il repart sur les routes poussiéreuses de l'Afghanistan.

A-t-il déjà tué quelqu'un? L'étonnement se dessine sur son visage. Il consulte du regard l'officier des affaires publiques qui nous accompagne. Puis il répond, comme une évidence: «Mais c'est ça, mon travail. On n'a pas le choix. C'est ça, la guerre. Si ce n'est pas lui, c'est moi ou un de mes chums. Pis ça ne me tente pas de mettre du plaster sur mes chums ou sur moi», dit-il.

A-t-il perdu un proche? Il fait signe que oui. Sur les routes, la vie n'est qu'une question de chance. Sauter sur une bombe ou une mine, «c'est quelque chose qu'on ne peut pas prévoir».

C'est sur les routes, aussi, que les militaires essuient les tirs des talibans, un ennemi si peu équipé et entraîné qu'il se bat «en gougounes». «C'est juste de l'intimidation», précise-t-il.

Dans les villages, c'est la même chose. Les insurgés ne «se cassent pas le bicyk», mais la peur est là. «On a peur. On ne veut pas mourir. On ne veut pas que nos amis se fassent tirer», dit-il.

«Veut, veut pas, c'est le fun. L'adrénaline, c'est là qu'on la ressent. Pas au mégaparc des Galeries de la Capitale [à Québec]. C'est un bon feeling.»

La fin de la mission de combat en Afghanistan l'attriste. «Je trouve ça dommage, parce que c'était le fun. On a beaucoup appris en infanterie, on s'est beaucoup entraînés.»

Cet apprentissage en conflit armé, le premier depuis de longues décennies pour le Canada, marquera durablement les Forces. Et les recrues des dernières années, entraînées au combat plutôt qu'au maintien de la paix. «Rester comme en Bosnie à se faire tirer sans pouvoir répondre, personnellement, je trouve ça inacceptable.»

Après l'Afghanistan, il faut aussi réapprendre à vivre. S'habituer aux embouteillages, à ne plus rouler pied au plancher, en attendant que les voitures s'écartent sur son passage. S'habituer aux oiseaux qui chantent, abandonner sa vigilance de chaque instant. Cesser de scruter le bitume à la recherche d'une mine.

«Dans le fond, il faut se réadapter à sa vie normale», résume Pascal Prud'homme.

Le caporal aurait bien fait un dernier tour en Afghanistan. Son amoureuse l'en a dissuadé. Il est rentré à Valcartier.

Depuis, il est retourné dans les montagnes russes du mégaparc des Galeries de la Capitale. Elles ne lui font plus aucun effet.