Le gouvernement Harper a mis l'appareil bureaucratique en marche, hier, pour désamorcer la bombe posée par le diplomate Richard Colvin la semaine dernière au sujet de la torture de détenus en Afghanistan.

Dans une déclaration publiée sur un site web gouvernemental, Ottawa a révélé que la procédure de transfert de détenus afghans avait été arrêtée à trois reprises en 2009. «Les deux première pauses étaient attribuables à des allégations concernant le traitement des détenus et la dernière pause était liée à l'accès sans restriction aux installations», peut-on lire.«Jusqu'à ce jour, aucune allégation de mauvais traitement subi par un prisonnier transféré par le Canada n'a été prouvée», a-t-on ajouté. Selon le gouvernement, c'est la preuve que les nouvelles procédures de transferts mises en place en 2007 fonctionnent.

Mais cela n'a pas complètement rassuré l'opposition, qui a continué à réclamer une enquête publique sur les allégations de torture systématique de prisonniers transférés par le Canada aux autorités afghanes. Elle a aussi demandé au gouvernement qu'il dépose au Parlement tous les documents pertinents dans le dossier.

Devant un comité parlementaire spécial la semaine dernière, le diplomate Richard Colvin, qui occupait un poste de haut rang en Afghanistan d'avril 2006 à octobre 2007, a affirmé que tous les détenus transférés par le Canada aux autorités afghanes avaient sans doute été torturés, qu'il en avait fait rapport à ses supérieurs par écrit à près de 20 reprises et que ceux-ci avaient ignoré ses cris d'alarme.

L'un de ces supérieurs, David Mulroney, alors sous-ministre responsable de l'Afghanistan et aujourd'hui ambassadeur du Canada en Chine, a offert au comité parlementaire chargé d'étudier la question de témoigner, dans une lettre écrite le 20 novembre et qui a été rendue publique hier.

Ce témoignage pourrait avoir lieu demain, alors que les témoignages de trois officiers de haut rang de la Défense canadienne sont à l'horaire, dont celui du général à la retraite Rick Hillier, ancien numéro un des Forces.

Les partis de l'opposition ont toutefois réclamé que, d'ici là, le gouvernement fournisse des documents pour leur permettre de voir clair dans cette situation. «Nous voulons tous les documents: les correspondances, les courriels, les registres téléphoniques, pour que nous puissions avoir une idée de ce qui s'est passé lorsque nous contre-interrogerons M. Mulroney», a déclaré le porte-parole libéral dans le dossier, Ujjal Dosanjh.

«La question-clé ici, c'est: qu'est-ce qui s'est passé entre l'arrivée des conservateurs au pouvoir (en janvier 2006) et le changement de régime des détenus pendant l'été de 2007? a résumé le chef libéral Michael Ignatieff. C'est pendant cette période-là que nous croyons qu'il y avait clairement de l'abus de détenus et les conservateurs n'ont rien fait, n'ont pas agi.»

Un député du NPD, Paul Dewar, a pour sa part présenté une motion au comité spécial pour réclamer lui aussi le dépôt de plusieurs documents relatifs au dossier.

Le premier ministre Stephen Harper n'était pas à la Chambre des communes pour répondre aux questions de l'opposition hier: il rencontrait l'équipe nationale de crosse à l'un de ses bureaux d'Ottawa.

C'est son ministre de la Défense, Peter MacKay, qui a pris le relais. «Nous allons regarder les documents qui seront déposés devant le comité parlementaire, remontant à avant le moment où nous avons pris le pouvoir, a-t-il lancé. Nous allons voir le bilan du gouvernement (libéral) et comment il se compare aux efforts que nous avons faits pour améliorer les conditions dans les prisons.»

Le ministre MacKay a par ailleurs mis un bémol sur les conclusions d'un récent rapport de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, selon lequel plus de 400 cas de torture ont été répertoriés à la grandeur du pays. «C'est le coeur du problème, a-t-il plaidé, en répondant à une question de Jack Layton. Il veut que nous acceptions simplement que tous ces cas s'appliquent à des prisonniers canadiens et ce n'est pas le cas.»