La Commission Charbonneau sur l'industrie de la construction prévoit commencer ses audiences publiques au printemps, à Montréal.

Au cours d'un entretien avec La Presse, vendredi, le procureur en chef de la commission, Me Sylvain Lussier, a précisé que le premier volet de ces audiences serait «institutionnel». Des représentants des ministères du Transport et des Affaires municipales seront appelés à témoigner.

«On ne va pas commencer tout de suite à rencontrer les entrepreneurs. Il faudra d'abord comprendre le cadre législatif de l'octroi des contrats dans le domaine public», a expliqué Me Lussier.

Mais la commission ne tardera pas à faire défiler des témoins pour mettre en lumière des cas concrets de collusion. «Ça va aller rapidement. On ne va pas passer quatre semaines à présenter comment ça se passe au ministère, on va ennuyer les gens! La commission n'est pas un show, mais il faut qu'on soit pertinent et efficace. [Au printemps], on va voir des cas, on va faire des exposés de situations», a affirmé Sylvain Lussier.

Pouvoir de contrainte

La commission Charbonneau a le pouvoir de contraindre quiconque à témoigner. Mais comme le prévoit la Charte des droits, un témoin peut demander d'être entendu à huis clos ou réclamer une ordonnance de non-publication. «Les demandes seront analysées au mérite», a indiqué Me Lussier. La commission acceptera «si c'est dans l'intérêt de la morale et de l'ordre public». «Il y a de la jurisprudence qui définit ce qu'est l'intérêt public, la protection des gens et la protection des secrets d'affaires. Par exemple, si quelqu'un est obligé de déposer ses états financiers, il va le faire en public, mais les états financiers ne seront pas accessibles (...). Il y a des critères relativement à la protection de certains intérêts, mais le principe, c'est que les audiences ont lieu en public.»

Indépendance de la commission

La semaine dernière, La Presse a révélé qu'une dizaine d'enquêteurs-analystes et agents de liaison de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) allaient travailler avec la commissaire France Charbonneau. Des sources proches du dossier ont confié que l'indépendance de la commission d'enquête est ainsi remise en question. Le patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, a réagi en assurant que «cette collaboration se fera dans le respect total de l'indépendance conférée à cette commission».

Le procureur en chef estime que cette indépendance est préservée. «Personne ne nous dit comment travailler. Ce sont nos cinq enquêteurs qui décident de leur calendrier de rencontre et des sujets», a-t-il affirmé.

Les enquêteurs de la commission sont «conscients de l'importance de préserver la preuve des enquêtes policières et de ne pas leur nuire». «Si, à un moment donné, certains corps policiers disent: On a ça, mais on ne peut pas vous le donner parce qu'on est en train de l'utiliser ou de suivre un filon, ils n'iront pas interférer. Par contre, si on voit à un moment donné qu'il y a un refus de donner l'information, il y a des moyens à notre disposition, la loi donne des pouvoirs de contrainte.» Me Lussier «espère» ne pas avoir à recourir à ces moyens.

France Charbonneau ne fera aucun commentaire avant sa déclaration d'ouverture de la commission, au printemps.