Sitôt lancée, sitôt finie. Comme en 2007, Gilles Duceppe, tenté par la direction du PQ, s'est dit disponible... puis a tourné les talons dès que Pauline Marois a rugi.

La nouvelle crise qui paraît sur le point de se terminer au PQ laissera des séquelles, un gâchis d'autant plus grave qu'il est peut-être apparu à quelques mois des élections générales.

Auprès des électeurs d'abord. Quand Gérard Deltell a dévoilé l'appui, anémique, de ses troupes à son mariage avec François Legault, il a parlé d'abondance des «crises existentielles qui secouent le PQ tous les deux mois». La révolte perpétuelle au PQ fait sourire Amir Khadir: «J'attends un coup de fil pour qu'on me demande d'être chef du PQ», a dit à la blague le député de Québec solidaire, vendredi.

Plus grave, l'embardée de la semaine dernière sera longtemps source de suspicion au sein du caucus. Bernard Drainville, qui ne faisait pas mystère auprès des militants de son désir de voir Marois plier bagage, est subitement rentré dans le rang. L'arrivée de Duceppe était pour lui le pire scénario; le frère de Gilles Duceppe l'a bloqué en 2007 dans la circonscription de Joliette qu'il convoitait. Mme Marois n'a pas apprécié sa sortie, alarmiste, sur la possible disparition du PQ. C'est Stéphane Bédard qui a été frappeur désigné: «Bernard est jeune, souvent il va se mettre un pied dans la bouche. Confondre son avenir personnel avec celui du Québec n'était pas la meilleure chose à faire», a lancé publiquement le député de Chicoutimi et leader de l'opposition officielle.

Son collègue de Verchères, Stéphane Bergeron, a aussi ouvert son jeu, se montrant publiquement plutôt indifférent à la décision de Mme Marois. Si elle partait, «on ferait avec», a-t-il dit, en substance. Plus prudents, des députés comme François Gendron - l'un des vecteurs de la fronde à l'automne - et Sylvain Simard, sympathique à Duceppe en 2007, sont restés à l'étranger durant la dernière tempête.

Mme Marois sort aussi un peu amochée de la dernière passe d'armes. Bien sûr, par sa détermination, elle récolte passablement de sympathie. Même ses détracteurs au caucus conviennent «qu'à force de traverser des tempêtes», elle s'impose comme chef.

Pour calmer le jeu, elle s'est désormais dite ouverte à une alliance avec Québec solidaire, un tiers parti susceptible de faire mal au PQ à Montréal aux prochaines élections. Elle est foncièrement contre, mais pour calmer les Drainville et Bergeron, elle se prête à des contorsions qui réduiront encore son autorité. Elle a révélé avoir demandé au conseiller politique Jean-François Lisée de tâter le terrain auprès de Françoise David, de Québec solidaire. Mme David reste déterminée à se présenter dans Gouin, fief de Nicolas Girard, l'un des députés les plus efficaces dans l'opposition. Or, la majorité des députés, Yves-François Blanchet (député de Drummond) en tête, s'est opposée à ce genre de pacte électoral. Des élus n'ont pas aimé qu'elle joue sur les deux tableaux.

Pour finir, les secousses des derniers jours auront mis en relief les rapports difficiles qu'entretient le PQ avec les centrales syndicales. Favorable à Gilles Duceppe, le président de la CSQ, Réjean Parent, a soutenu récemment qu'avec le PQ de Pauline Marois, on assistait à un «déni» sans précédent du mouvement syndical, «du jamais-vu!» a-t-il lancé. Pour lui, Mme Marois a été trop timide devant le projet de loi 399 qui vise à moderniser la loi antibriseurs de grève après les conflits dans les journaux de Quebecor. Même dans le mouvement syndical, la crise au PQ créera des différends. «Ce n'est pas aux centrales syndicales de choisir le chef du PQ», a de son côté tranché Louis Roy, président de la CSN.

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Dates importantes

22 juillet 1947: naissance

13 août 1990: Gilles Duceppe devient le premier député du Bloc en remportant une élection partielle dans Laurier-Sainte-Marie.

15 mars 1997: il devient chef du Bloc et chef de l'opposition officielle.

1er juin 1997: il perd son titre de chef de l'opposition officielle après une difficile élection où la députation du Bloc passe de 54 à 44 sièges.

28 juin 2004: il obtient son meilleur résultat électoral à la tête du Bloc avec l'élection de 54 députés à la suite du scandale des commandites.

11 mai 2007: Gilles Duceppe annonce qu'il brigue la direction du Parti québécois à la suite de la démission d'André Boisclair.

12 mai 2007: il se retire de la course à la direction du PQ en faveur de Pauline Marois.

2 mai 2011: il annonce sa démission à la tête du Bloc après une défaite où son parti fait élire seulement quatre députés.

22 janvier 2012: Gilles Duceppe met une croix sur un retour en politique.