Pendant que les manifestations de casseroles continuent en guise de protestation contre la loi d'exception et que les représentants économiques du Grand Montréal s'inquiètent des conséquences des turbulences sociales depuis le déclenchement de la grève étudiante, en février, le gouvernement lance une initiative de «la dernière chance» pour tenter de régler le conflit avant le début de la grande saison touristique.

Le gouvernement Charest rencontre à nouveau les leaders des associations étudiantes lundi après-midi à Québec. Une réunion «de la dernière chance» où il fera une nouvelle proposition sur les droits de scolarité, dans le but de faire cesser le conflit à temps pour la tenue d'une série d'événements touristiques importants, à Montréal.

Des sources proches de la négociation ont indiqué dimanche soir à La Presse que la responsable du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, a le mandat de «mettre quelque chose sur la table», une proposition dont les conséquences pour les finances publiques ont été soupesées dans les dernières heures par les fonctionnaires des Finances et du Trésor.

Des mandats clairs

Auparavant les négociateurs du gouvernement (Mme Courchesne sera accompagnée de l'avocat Pierre Pilote et du ministre délégué aux Finances Alain Paquet) exigeront des trois leaders étudiants d'établir s'ils ont un mandat clair pour négocier avec le gouvernement. La dernière séance marathon de négociations, les 5 et 6 mai, a laissé un arrière-goût amer au gouvernement. Une entente obtenue à l'arraché avec les leaders avait été repoussée de la main par la base, sans que personne chez les leaders étudiants ne défende ce qu'il avait signé.

À la demande des étudiants, la CREPUQ et la Fédération des cégeps n'ont pas été invités à la rencontre, a appris La Presse.

Pas de moratoire

Québec a déjà fait deux offres aux étudiants, des bonifications au régime des prêts bourses, le 5 avril et un étalement de la hausse, sur sept ans au lieu de cinq, le 27 avril. Au terme d'un marathon de 22 heures de négociations, on avait opté pour une autre avenue, se servir des frais afférents pour réduire la hausse des droits. Depuis le début, Québec n'a pas bougé sur les chiffres. Les étudiants devraient avec les hausses fournir 279 millions de plus, le gouvernement 493 millions. Les universités devront trouver 141 millions d'autres sources et 54 millions devraient venir de dons. Ces chiffres du dernier budget n'avaient pas bougé jusqu'ici. Seul changement, les 967 millionssupplémentaires qu'on prévoyait injecter dans les universités d'ici 2017 prendraient deux ans de plus à être versés. Pas question pour Québec toutefois de proposer carrément un moratoire sur les hausses, comme l'avait évoqué du bout des lèvres la ministre démissionnaire Line Beauchamp. Devant les représentants des événements touristiques et le maire Gérald Tremblay, le ministre des Finances, Raymond Bachand n'a pas soufflé un mot de l'offre que comptait faire Québec aujourd'hui, confie un participant. Le ministre «a plus écouté qu'autre chose», les événements prévus, notamment le Grand Prix de Montréal, début juin, ne seront pas annulés ou reportés à cause du bras de fer avec les étudiants, ont fait valoir les organisateurs.

Bonne main pour les étudiants

Sur le point de partir pour Québec, tous les leaders étudiants ont évalué être plus forts que dans ce conflit grâce à l'adoption de la loi spéciale (78), il y a une semaine.

D'abord parce que le mouvement de contestation a pris une ampleur inespérée pour eux, mais aussi parce que leurs membres n'ont plus rien à perdre, les sessions étant suspendues jusqu'en août prochain.

«Il n'y a pas vraiment de pression», analyse Gabriel Nadeau-Dubois, de la Coalition de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Son organisation compte d'ailleurs exiger un rythme de discussion plus lent que celui qui prévalait avec Line Beauchamp, avec des pauses et une suspension pour la nuit.

Son collègue de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) abonde dans le même sens. «Il n'y a pas urgence à régler du côté étudiant», a-t-il dit, ajoutant qu'il ferait tout de même de son mieux pour régler le plus rapidement possible.

Prudence

Le mouvement étudiant reste toutefois bien prudent quant à l'issue de la rencontre. Sa dernière rencontre avec Michelle Courchesne «s'était bien passée» mais avait mené à l'adoption de la loi spéciale, a rappelé Martine Desjardins de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ). «On est prudents dans notre enthousiasme», a-t-elle ajouté.

Mme Desjardins a souligné à La Presse que son association n'a pas fait du retrait ou de la modification de la loi spéciale une condition préalable à son entrée à la table de négociations. Il s'agira toutefois d'une condition absolue pour en sortir, a-t-elle expliqué. «Il faut que ça fasse partie de l'entente», a soutenu la leader étudiante en entrevue avec La Presse, ajoutant qu'il ne pouvait y avoir de «sortie de crise sans un tel mouvement. «La majorité des gens qui sortent dans la rue avec des casseroles, c'est pour s'opposer à la loi 78.»