Sourds au plaidoyer du maire Gérald Tremblay, qui les a exhortés à rester sur leurs balcons, des milliers de Montréalais sont descendus dans les rues de la métropole en début de soirée pour protester bruyamment contre la loi spéciale et le gouvernement de Jean Charest.

Dans le quartier Villeray, des centaines de personnes, dont plusieurs familles, ont joyeusement fait tinter leurs casseroles au coin des rues Saint-Denis et Jarry pendant près d'une heure, avant de se mettre en branle vers le centre-ville, peu avant 21h.

Plusieurs disaient manifester contre la loi spéciale. D'autres étaient simplement furieux. «Les mots me manquent. Je suis tellement en colère, ça n'a aucun sens», a confié un résidant, citant en vrac la vente des ressources pétrolières de l'île d'Anticosti, la brutalité policière et le non-étiquetage des OGM.

Depuis samedi, des Montréalais manifestent chaque soir à grands coups de cuillères sur leurs casseroles.

Le mouvement prend de l'ampleur de jour en jour.

Personne ne semble avoir été freiné par les propos du maire Tremblay, qui avait demandé un peu plus tôt aux Montréalais de rester sur leurs balcons pour faire leur tintamarre.

Au contraire. Des centaines de personnes ont même manifesté devant la maison du maire à Outremont, pour se joindre ensuite aux autres manifestants vers le centre-ville.

Dans Villeray, le leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois s'est mêlé à la foule. «J'habite juste à côté. Jusqu'ici, je m'étais contenté de faire du bruit sur mon balcon. Mais ce soir, je me suis fait un point d'honneur de ne pas écouter M. Tremblay», a-t-il expliqué.

L'ambiance en début de soirée était festive. «Je suis ici parce que j'espère un monde meilleur pour ma petite-fille», dit Jeanne, venue participer au tintamarre avec sa fille, Marie-Laurence, et sa petite-fille, Madeleine.

«Il y a ici des gens de tous les âges, de tous les milieux. Des manifestations comme celle-ci viennent contredire le ministre Jean-Marc Fournier, selon qui désobéissance civile n'est qu'un beau mot pour vandalisme», a ajouté M. Nadeau-Dubois.

L'initiative a été lancée sur les réseaux sociaux par François-Olivier Chené, enseignant au cégep de Saint-Hyacinthe.

Cette forme de protestation populaire, connue sous le nom de cacerolazo, est pratiquée depuis une quarantaine d'années dans plusieurs pays d'Amérique latine.

La pratique est née au Chili en 1971, sous le gouvernement de Salvador Allende, pour protester contre de graves pénuries alimentaires. Les gens faisaient tinter leurs casseroles pour signifier qu'ils n'avaient rien à manger.

Le cacerolazo s'est poursuivi dans les années 80 pour protester contre la dictature d'Augusto Pinochet. Encore aujourd'hui, des Chiliens cognent sur des casseroles pour signifier leur appui - ou leur mécontentement - dans diverses causes.

La pratique s'est aussi répandue en Argentine, en Espagne et en Islande. En Irlande du Nord, aussi, des manifestants catholiques ont longtemps protesté de cette façon contre les marches orangistes dans leurs quartiers.