Dans un centre des congrès assiégé par les manifestants, le premier ministre Charest n'a pas jeté du lest dans la négociation en cours avec les leaders étudiants.

«Il est temps que la raison prenne le dessus. Il est grand temps que les étudiants en boycott réintègrent leurs cours», a-t-il martelé, ovationné à l'ouverture du conseil général de son parti, à Victoriaville.

Son intervention devant les cinq cents délégués réunis en fin de semaine a été retardée de près d'une heure à cause du grabuge causé par les manifestants. Comme pour rompre avec l'atmosphère tendue, ils l'ont longuement ovationné à son arrivée, dans une salle où il y avait des relents des gaz lacrymogènes.

«Je le reconnais, les décisions que nous avons prises n'ont pas toujours été faciles. Elles n'ont pas toujours été populaires. Vous ne me croirez pas, mais la politique n'est pas un long fleuve tranquille», a-t-il ironisé.

Pour l'essentiel, il a réitéré la proposition «globale» faite la semaine dernière avec sa ministre Line Beauchamp, une offre déjà jugée insuffisante par les groupes étudiants. «Nous n'avons aucun autre choix», a-t-il martelé.

«À ce moment, tous les partenaires ont été invités à discuter des enjeux. Nous l'avons fait sincèrement, rigoureusement et ouvertement».

Pour lui, l'offre faite la semaine dernière «est juste et équitable», basée sur deux prémisses, tous doivent contribuer au financement des universités, mais les droits de scolarité ne doivent pas freiner l'accès à l'éducation. Avec cette formule, la part payée par les étudiants pour leurs études passe de 13 à 17 %. lle était de 25 % dans les années 1960.

La proposition de Québec était d'étaler sur sept ans au lieu de cinq la hausse de 1675 $ annoncée en 2010. On bonifiait aussi le régime de prêts et bourses et arrimait le remboursement de la dette étudiante au revenu du jeune travailleur.

Ses flèches les plus acérées étaient pour Pauline Marois, sur la question du financement des études supérieures. «Dans la même phrase, elle propose d'annuler, de rembourser, d'indexer, de geler et de considérer la gratuité», a-t-il lancé, rappelant une série de déclarations contradictoires de Mme Marois sur cette question, depuis dix ans.

Et de conclure : «Elle annoncera bientôt la gratuité indexée en soutenant que c'est pour elle une question de principe».

«J'ai choisi de défendre l'avenir de tous les Québécois. Mme Marois a choisi de porter le carré rouge», a-t-il soutenu.

Le sens des responsabilités et le leadership faisaient défaut à sa rivale, deux qualités essentielles pour être premier ministre, d'insister M. Charest.

Sous le PQ, avec Mme Marois et François Legault, «l'éducation était un poste budgétaire qu'on pouvait couper», a-t-il soutenu. De 1994 à 2002, ce poste avait augmenté de 1 % par année, bien en deçà de l'inflation.

«Avec Pauline Marois et François Legault, l'éducation s'est appauvrie, c'est inquiétant surtout quand ils promettent de recommencer», d'ajouter le chef libéral.

Rappelant qu'il y a neuf ans, vendredi, il formait son premier gouvernement, en avril 2003, sous le PQ, le chômage était à 9,3 % en dépit de la bonne conjoncture - on est actuellement à 7,9 % en période plus difficile économiquement.

Au passage, une autre flèche, en santé. Actuellement, 99 % des gens atteints du cancer ont un traitement de radio-oncologie en moins de quatre semaines. «Mme Marois leur proposait plutôt une randonnée de quatre heures aux États-Unis» a-t-il lancé.

Plus tôt, quelques milliers de manifestants étaient rapidement arrivés à faire sauter les barrières de protection disposées devant le centre des congrès. L'escouade anti-émeute était tout de suite à pied d'oeuvre pour les endiguer, mais ils sont tout de même parvenus à briser quelques vitrines, tout près de la salle où se déroulerait le conseil national.

Pour le ministre des Transports, Pierre Moreau, ces démonstrations «ne sont pas ce que souhaitent les Québécois. Ils sont très majoritairement contre la violence, on doit réprouver les gestes de violence. Les gens que vous voyez lancer des roches n'ont pas le courage d'être à visage découvert. Ils mettent en danger la sécurité des autres, et ce qui est le plus sacré dans une société démocratique, le droit de s'exprimer».

Pour lui, le PLQ a eu raison de ne pas annuler l'évènement en dépit des risques de grabuge. «Annuler une activité essentiellement démocratique où des idées s'expriment, ce serait reculer devant la violence et on ne peut faire ça».

Pour Michel Rochette, le directeur des communications du PLQ, le report du conseil général n'avait pas été envisagé. On l'a déplacé de Montréal à Victoriaville parce que le Centre Mont-Royal, envisagé à l'origine, présentait des problèmes nombreux pour la sécurité. Les organisateurs croyaient que le rassemblement tenu loin de Montréal serait moins une cible pour les étudiants en grève.

«Ici, il y a plus d'espace», explique-t-il derrière les vitrines qui, quelques minutes plus tard, allaient recevoir les projectiles des manifestants.