Une demande qui va à coup sûr susciter la fureur du gouvernement Couillard: la commission Charbonneau a demandé une seconde prolongation de son mandat, a appris La Presse. Le rapport final qui devait paraître le 15 avril nécessiterait 7 mois de travail supplémentaire, ce qui reporte l'échéance demandée au 30 novembre prochain.

La Commission a transmis lundi sa requête au premier ministre. La décision ne devrait pas être prise au Conseil des ministres aujourd'hui, mais elle risque de profondément irriter Québec. La Commission avait déjà obtenu une prolongation de 18 mois sous le gouvernement Marois, ce qui l'avait dès lors hissée au rang de plus longue commission d'enquête de l'histoire du Québec.

Si cette nouvelle demande est acceptée, la Commission aura donc prolongé de plus de deux ans son mandat initial. Or, l'exercice coûte de 1,1 à 1,5 million par mois. À l'automne dernier, les travaux de la commission avaient déjà coûté plus de 30 millions de fonds publics.

La Commission devra expliquer pourquoi elle n'a pas été en mesure de gérer son travail en fonction de l'échéancier fixé depuis longtemps, préviennent des sources fiables, à Québec.

Témoins et documentation

Il est difficile de prédire la décision du gouvernement, mais on peut prévoir que l'on demandera davantage d'explications à la Commission.

Dans sa lettre de moins de deux pages, la juge France Charbonneau ne fournit pas de détails sur les raisons de son retard, mais invoque le grand nombre de témoins et l'importance de la documentation à éplucher.

Mais des sources à la CEIC expliquent qu'il s'avère carrément impossible de produire le rapport pour la mi-avril comme prévu.

Au cours des dernières semaines, la Commission a transmis à diverses personnes des avis pour les prévenir qu'elles étaient susceptibles de faire l'objet de «conclusions défavorables» dans son rapport final. Selon nos informations, plus de 100 préavis auront été envoyés.

Or, la jurisprudence et les règles de procédures en cette matière sont limpides: ces personnes ont le droit de transmettre un dernier plaidoyer à la Commission. Et ces réponses, nécessaires, tardent à venir, semble-t-il.

Jusqu'ici, la preuve a uniquement été présentée par les procureurs de la Commission. Les gens qui ont reçu un préavis ont maintenant l'occasion de présenter des documents, de témoigner eux-mêmes ou de faire témoigner des témoins lors d'audiences publiques spéciales afin de faire valoir leur position. Ils peuvent aussi présenter leurs observations par écrit. Ce mécanisme est d'autant plus important que certains des acteurs qui pourraient être nommés dans le rapport n'ont pas nécessairement témoigné lors des audiences publiques de la Commission, qui se sont terminées l'automne dernier.

Le porte-parole de la commission, Richard Bourdon, a indiqué hier que la Commission ne ferait pas de commentaires sur cette nouvelle demande de prolongation.

Boisbriand

La demande de la juge France Charbonneau tombe au moment où la défense dans le procès de collusion à Boisbriand s'attaque, depuis plusieurs jours, à la crédibilité d'un témoin vedette de la Commission: l'ancien organisateur politique Gilles Cloutier. Cloutier se retrouve maintenant à la barre des témoins de ce premier grand procès découlant d'une enquête de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Lundi, on y a appris que Cloutier avait été arrêté pour parjure dans le cadre de son témoignage à la Commission. Pour l'instant, il n'a toutefois pas été accusé de parjure.

En parallèle, dans les médias, l'ex-conjointe de Cloutier le décrit comme un «menteur pathologique».

- Avec la collaboration de  Kathleen Lévesque