L'Unité permanente anti-corruption (UPAC) devrait être la seule entité responsable d'enquêter sur les actes de corruption au Québec, plaide son grand-patron Robert Lafrenière.

« Le mandat de l'UPAC est bien établi, mais on voudrait que ce soit clair dans la loi sur la police que toutes les enquêtes de corruption, malversation et fraude envers le gouvernement soient exclusives à l'UPAC. Pour que les choses soient très, très claires », a-t-il déclaré lors d'une mêlée de presse à la suite de son témoignage devant la commission Charbonneau.

Après deux ans d'audiences, le commissaire Lafrenière s'est dit « satisfait » du déroulement de la commission Charbonneau. Aurait-elle pu aller plus loin sur la question du financement politique sur la scène provinciale sans nuire à ses enquêtes, s'est-il fait demander. « Je ne sais pas tout ce qu'ils avaient dans leurs cartons, parce qu'ils sont indépendants », a-t-il répondu.

Avant qu'il quitte la Commission, La Presse lui a demandé si l'UPAC avait explicitement demandé à la Commission de ne pas convoquer l'ancien grand argentier du PLQ, Marc Bibeau, dont le nom a été mentionné à plusieurs reprises devant la Commission. « Je ne peux pas répondre à ça », a-t-il lancé avant de s'engouffrer dans l'ascenseur.

Modifications législatives

Robert Lafrenière a demandé aussi la création de trois nouvelles infractions au Code pénal : pour la collusion, la production de faux documents et les prête-noms.

Au Québec, c'est le Bureau de la concurrence du Canada qui a le pouvoir d'enquêter et de sévir contre la collusion, tandis que l'UPAC enquête sur les actes criminels liés à ces mêmes actes de collusion. « C'est très souvent ou tout le temps accompagné d'autres infractions criminelles », a précisé M. Lafrenière.

Cette division des responsabilités entraîne toutefois des accros. Lafrenière a souligné, à titre d'exemple, avoir déjà perdu la collaboration d'un témoin important, car il avait reçu l'immunité du Bureau de la concurrence du Canada dans l'une de ses propres enquêtes, immunité que l'UPAC n'a pas le pouvoir d'octroyer.

Quant aux infractions de production de faux documents et de prêtes-noms, des dispositions existent déjà dans le Code criminel, « mais parfois, ça serait plus simple d'aller au pénal », a dit Lafrenière.

Meilleure protection pour les délateurs

Dans son mémoire déposé à la commission Charbonneau, l'UPAC a suggéré l'adoption de mesures législatives qui immunisent le dénonciateur contre toute poursuite ou réclamation liée à sa dénonciation. Car dans bien des cas, les collaborateurs aux enquêtes de l'UPAC ont participé au stratagème qu'ils dénoncent. Ils s'exposent donc par la suite à des poursuites civiles, déontologiques ou fiscales, ce qui risque de les dissuader de collaborer.

« On ne peut pas se contenter d'avoir une certaine immunité qui est reliée à une enquête criminelle. Il faut regarder tous les autres aspects, à savoir les poursuites civiles, les réclamations qui peuvent venir d'un ordre professionnel ou de la part de Revenu Québec ou Revenu Canada. Il faut avoir certaines balises pour que les gens continuent à collaborer. Ce n'est pas évident», admet-il cependant. «Donner une immunité à quelqu'un pour une action civile, c'est à peu près du jamais vu. Mais il faut voir comment on peut arrondir les angles. »

Les audiences de la Commission reprennent demain avec le témoignage de représentants de la Régie du bâtiment, de la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec