La commission Charbonneau a demandé à l'entrepreneur Tony Accurso de lui faire parvenir la liste de tous les passagers qui ont séjourné sur son luxueux yacht depuis sa mise à l'eau en 2004. L'entrepreneur refuse de révéler leur identité et plaide que la commission a enfreint son engagement de ne pas poser de questions liées aux poursuites entreprises contre lui.

Ce débat a été soulevé, ce matin, dans le cadre de l'audition d'une requête devant la Cour d'appel. Tony Accurso demande au plus haut tribunal de la province la permission d'être entendu dans l'espoir de casser un jugement qui l'empêche d'être exempté de témoigner devant la commission.

Le juge François Doyon a pris la cause en délibéré et n'a pas indiqué à quel moment il rendrait son jugement.

 

Crime organisé et financement des partis politiques

L'avocat de M. Tony Accurso, Me Louis Belleau a annexé à sa requête des pans de sa correspondance avec les procureurs de la commission. L'une des lettres révèle les sujets que l'on compte aborder avec M. Accurso s'il est contraint à témoigner.

La commission veut notamment le questionner sur ses liens avec des personnes liées au crime organisé, ainsi que sur le financement des partis politiques, tant municipaux que provinciaux.

La commission souhaite l'entendre sur ses relations avec la FTQ, la FTQ-Construction et le Fonds de solidarité. La commission veut aussi scruter ses activités dans la grande région de Montréal, mais elle s'est engagée à ne pas poser de questions sur celles qui se sont déroulées à Laval ou à Mascouche.

La commission a signalé son intention de présenter des communications privées interceptées.

 

Nouvelle démarche judiciaire pour éviter de témoigner

Depuis le début des audiences publiques de la commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) Tony Accurso multiplie les démarches pour éviter d'y témoigner. Il s'est rendu jusqu'en cour suprême pour tenter de questionner le commissaire à l'Unité permanente anticorruption, Robert Lafrenière, lors de sa requête pour faire annuler son assignation à comparaître.

Tony Accurso espère maintenant faire infirmer la décision du juge de la Cour supérieure Jean-François Buffoni, qui a conclu, début mai, que son témoignage était très important pour la Commission. L'entrepreneur, qui est en attente de procès pour fraude et corruption, craint que son témoignage serve à alimenter des enquêtes policières en cours.

Une « expédition de pêche » devant la Commission risquerait de compromettre ses chances d'avoir un procès équitable, a plaidé ce matin l'avocat de Accurso, Me Louis Belleau.

« La situation provoque une rencontre de deux situations en tension et au milieu de ça vous avez M. Accurso... La question est de savoir si les enquêtes de police en cours, simultanément avec la commission d'enquête qui est en cours va lui causer un préjudice. »

Advenant que la Cour d'appel accepte d'entendre sa cause, M. Accurso demande au tribunal de suspendre son assignation à comparaître devant la Commission jusqu'à ce qu'un jugement final soit rendu. «Ça ne sert à rien de fermer les portes de l'écurie si tous les chevaux sont sortis », a illustré Me Belleau.

 

Le temps presse

La commission Charbonneau siégera encore pour trois semaines à compter de lundi avant de faire relâche cet été. Six jours « tampons » sont cependant prévus entre le 25 juin et le 4 juillet. À l'automne, la Commission entamera sa dernière ligne droite avec l'audition des mémoires publics déposés par des citoyens et des groupes d'intérêt jugés pertinents.

La comparution avant l'été de l'ex-dirigeant des firmes Louisbourg Construction et Simard-Beaudry pourrait donc dépendre de la rapidité de la Cour d'appel à répondre à la demande. 

Le témoignage de Tony Accurso pourrait-il être reporté à l'automne si la Cour d'appel rejetait sa demande pendant ou après la pause estivale ? 

Devant la Cour d'appel ce matin, l'avocat de la commission, Me Simon Tremblay, a évoqué cette possibilité.

Me Tremblay a aussi souligné que si la Cour accepte d'entendre l'appel de M. Accurso, la commission Charbonneau pourrait utiliser des « mesures alternatives » pour lui permettre de témoigner en attendant le jugement final de la Cour d'appel. 

Le témoignage de M. Accurso pourrait par exemple faire l'objet d'une ordonnance de non-publication et la commission pourrait empêcher la présence de policiers dans la salle.