Analyse. Depuis le témoignage de Michel Arsenault devant la commission Charbonneau, beaucoup d'interrogations ont été soulevées au sujet du «deal» par lequel la SOLIM, bras immobilier du Fonds de solidarité, a investi 3 millions dans Capital BLF, une fiducie immobilière mise sur pied par Claude Blanchet, mari de Pauline Marois.

Outrée par les questions posées par le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, la première ministre Marois a martelé sans appel que tout, dans cette transaction, avait été fait «selon les règles de l'art».

Or, depuis le début, cette décision du Fonds de solidarité soulève une série de questions. Les adversaires du Parti québécois (PQ) ont vite sauté aux conclusions: le «deal» aurait été conclu pour acheter le silence de Pauline Marois, alors que tout le Québec réclamait une commission d'enquête sur la construction.

Toutefois, l'investissement du Fonds a été fait en juillet 2008, soit neuf mois avant que la corruption dans l'industrie de la construction émerge dans les médias. Bien sûr, Mme Marois a mis six mois avant de solliciter à son tour une commission d'enquête - elle avait rencontré en privé le bureau de la FTQ avant d'annoncer ses couleurs. Ainsi, quand, au printemps 2009, Michel Arsenault dit à Johnny Lavallée que le PQ ne pourra réclamer une commission d'enquête «parce qu'on a un deal avec Blanchet», il ne peut que présumer que ce service rendu à l'ancien patron du Fonds de solidarité aidera à convaincre sa conjointe.

Investissement inédit

Mais sous plusieurs aspects, la décision du Fonds reste difficile à expliquer. Jamais, en dehors de cet investissement dans Capital BLF, la SOLIM n'a mis de l'argent dans une fiducie immobilière. Le Fonds soutient que cet investissement était identique à celui fait dans Cominar en 1998. Or, cet investissement recommandé à Henri Massé par Richard Marion, ancien patron de la SOLIM, a tout de suite été récupéré par le Fonds de solidarité, expliquent des intervenants de l'époque.

Des questions se posent aussi par rapport au prix payé par la SOLIM, fiduciaire des petits cotisants au Fonds de la FTQ. Lors d'un coup de fil à Michel Arsenault le 17 février 2009, Louis Bolduc, du Fonds de solidarité, ne cache pas son scepticisme: «On se fait fourrer là-dedans!» Blanchet et ses partenaires, «eux autres, ont payé leurs actions 10 cents, nous on a payé 30 cents, et ça vaut 3 cents!» Selon lui, la décision est clairement une demande du président du Fonds, Yvon Bolduc. C'est alors qu'Arsenault rappelle que Capital BLF, c'est aussi l'emploi de Jean-Sébastien Marois-Blanchet - «Le flo, sa mère va p'têt bien être première ministre [...], on n'aura pas de trouble avec.» Cet échange survient à 8 heures le matin; le même jour, M. Arsenault dîne avec la chef de l'opposition Pauline Marois au cossu club privé le 357c. Les deux soutiennent ne pas avoir abordé cet investissement lors de leur face à face.

On peut aussi se demander pourquoi l'investissement avait été fixé tout juste sous la barre des 3 millions - à 30 cents, soit à une action près. À partir de 3 millions, l'investissement était géré par le Fonds de solidarité, et non par la SOLIM, où les règles sont plus souples. «On voulait garder ça à la SOLIM», ont soutenu sans détour MM. Lavallée et Arsenault à la commission Charbonneau.

L'objectif premier du Fonds de solidarité et de la SOLIM est de créer des emplois; l'acquisition d'actions dans une entreprise qui, à l'époque, détenait 2 immeubles d'appartements déjà construits, est bien loin de cette mission. À l'époque, le Fonds de solidarité avait brandi la participation de la Financière Banque Nationale comme caution pour ce projet. M. Blanchet avait multiplié les démarches pour y trouver du financement, mais moins de 10 investisseurs avaient levé la main, pour un maigre total de 27 000$. En décembre dernier, le Fonds a vendu à perte 40% de sa participation dans Capital BLF, une radiation de 600 000$. Claude Blanchet perdra aussi 85 000$ en liquidant sa participation, mais il aura récolté, depuis 2007, 694 000$ en honoraires de gestion de cet investissement bien particulier.