Où est allé l'argent? L'ex-directeur du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, devra expliquer lundi devant la commission Charbonneau ce qu'il a fait des imposantes sommes en argent comptant que les dirigeants de cinq firmes de génie ont affirmé sous serment lui avoir données. Une question à 1,7 million de dollars.

Depuis janvier, cinq hauts dirigeants de firmes de génie ont défilé devant les commissaires France Charbonneau et Renaud Lachance pour confirmer avoir pris part à un stratagème de collusion. En échange de contrats municipaux, les ingénieurs disent avoir accepté de verser chacun des centaines de milliers de dollars au parti de l'ex-maire Gérald Tremblay, par l'intermédiaire de Bernard Trépanier.

Or, depuis le début de la commission, l'avocat d'Union Montréal met en doute que le parti a bel et bien encaissé ces sommes. Me Michel Dorval a maintes fois demandé aux témoins s'ils savaient avec certitude ce que Bernard Trépanier avait fait des importantes sommes en argent comptant qu'ils lui remettaient. Tous ont reconnu ne jamais avoir vérifié, estimant qu'obtenir les contrats promis était un gage suffisant. «Ce que faisait M. Trépanier avec l'argent qu'on lui donnait, moi, je ne le sais pas», a notamment répondu l'ingénieur Rosaire Sauriol, ancien vice-président de Dessau.

Des sommes jugées «exagérés»

En entrevue à La Presse, l'actuel chef du parti, Richard Deschamps, met en doute que l'argent se soit rendu dans les coffres de sa formation. «Tous les jours, je vois une manchette sur Union Montréal, mais personne n'a confirmé que cet argent est entré dans le parti. C'est facile de faire cette allégation, mais je n'ai pas eu de preuve.»

Richard Deschamps juge aussi exagérées les sommes avancées devant la commission Charbonneau par les témoins. «Faites l'analyse des montants que tout le monde dit avoir donnés à la commission Charbonneau et ça ne fonctionne pas.»

Vérifications faites, les montants avancés par les cinq ingénieurs représenteraient le tiers des contributions qu'Union Montréal rapporte avoir empoché durant cette période. Les témoins ont affirmé avoir contribué illégalement pour un total de 1,7 million, principalement entre 2004 et 2009. Durant cette période, Union Montréal rapporte dans ses états financiers avoir reçu 4,8 millions en dons.

Au moins 13 firmes impliquées

Au-delà de ces cinq firmes, au moins huit autres firmes auraient participé au stratagème, selon les divers témoignages entendus. Il s'agit de CIMA+, Groupe SM, Roche, HBA-Teknika, Aecom-Tecsult, Claulac, LBHA et Axor. Le montant précis que celles-ci auraient versé par l'entreprise du stratagème de 3% n'a toutefois pas été établi.

Après deux semaines de pause, les audiences publiques de la commission reprennent aujourd'hui. Jusqu'à présent, Bernard Trépanier a nié catégoriquement avoir orchestré un stratagème de 3%. Il reconnaît simplement avoir été en relation étroite avec les dirigeants de toutes ces firmes, comme le démontrent ses registres téléphoniques recensant des milliers d'appels avec ceux-ci.

Le témoin assure s'être contenté de «vendre des tables» pour financer le parti, c'est-à-dire de vendre des billets à des entreprises lors d'activités de financement.

Il n'a pas encore été interrogé sur ce qu'il faisait de l'argent que cinq firmes de génie ont confirmé lui avoir donné. Le procureur Denis Gallant a toutefois démontré que plusieurs firmes rémunéraient déjà l'homme autrement pour ses services de lobbyiste.

Il a ainsi reçu 900 000$ de Dessau pour l'aider à décrocher des contrats auprès de Aéroports de Montréal.