Bernard Trépanier a catégoriquement nié devant la commission Charbonneau avoir mis sur pied un système de ristourne pour Union Montréal, mieux connu comme le 3 %, démentant ainsi plus d'une dizaine de témoins. Multipliant les contradictions dans un témoignage confus, l'homme de 74 ans a toutefois reconnu avoir partagé certains contrats.

L'ex-directeur du financement d'Union Montréal a reconnu avoir demandé des dons à plusieurs entreprises du milieu de la construction, mais a réfuté que ces contributions leur garantissaient l'accès aux contrats de la métropole. «Les montants, c'était pour acheter des tables [à des activités de financement], jamais pour faire de la collusion», a-t-il répondu.

Pourtant, plus tard, il a reconnu que seules les firmes qui contribuaient à Union Montréal recevaient des contrats, tandis que celles soutenant Vision Montréal étaient exclues. «Si je comprends bien, les amis du parti avaient des contrats?», a résumé la juge Charbonneau. «Ben oui. Je pense que c'est comme ça pour tous les partis», a répondu Bernard Trépanier.

Le collecteur de fonds a accusé l'ingénieur Michel Lalonde d'avoir menti en le plaçant au coeur d'un stratagème de partage des contrats de la métropole. «Lalonde a été un menteur dans sa déclaration contre moi», s'est emporté Bernard Trépanier.

En fait, celui-ci accuse au contraire l'ingénieur d'en avoir été l'instigateur et de lui avoir demandé de former des consortiums pour mieux partager les contrats municipaux, malgré son évidente méconnaissance de l'ingénierie. Bernard Trépanier dit avoir été tellement mauvais que Rosaire Sauriol et Michel Lalonde l'ont convoqué en 2005 pour lui dire d'arrêter de s'occuper du système.

Le collecteur de fonds dit avoir perçu cette demande comme une menace puisque Lalonde se vantait d'avoir comme voisin de bureau Nicolo Milioto, un proche de la mafia montréalaise.

Michel Lalonde est loin d'être le seul à avoir évoqué un tel système du 3 % mis sur pied par Trépanier. En tout, six ingénieurs ont reconnu l'existence du stratagème. Une demi-douzaine d'autres témoins ont aussi attesté de son existence.

L'homme de 74 ans a seulement reconnu avoir demandé 200 000 $ sur quatre ans à deux firmes, SNC-Lavalin et Dessau. Des firmes de taille «moyenne» ont été sollicitées pour 100 000 $ et les petites, pour 50 000 $. Mais il nie tout stratagème de partage des contrats.

Invité à expliquer son travail à Union Montréal, Bernard Trépanier a assuré avoir été embauché comme directeur du financement en 2004 par le parti de l'ex-maire Tremblay, même s'il n'avait aucune expérience à l'époque en collecte de fonds. Le procureur Gallant a mis en doute cette explication, disant au contraire qu'il avait été recruté pour son carnet de contacts bien garni.

Bernard Trépanier a expliqué avoir simplement perpétué les pratiques déjà en vigueur à son arrivée à Union Montréal. «Si [les entreprises] avaient des contrats à Montréal, on leur envoyait des billets. C'était la formule quand je suis arrivé à Union Montréal et j'ai continué ce qui existait.»

Dans un échange, Me Gallant a demandé au témoin : «Je peux vous qualifier de middleman?»

«Peut-être», a répondu Trépanier.

«Et bagman?», a poursuivi Me Gallant.

«Ça, c'est un gros mot», a sèchement répondu le témoin.

Or, Me Gallant a démontré la grande proximité de Trépanier avec d'importants acteurs du milieu de la construction. De 2005 à 2010, l'homme a eu 7342 conversations téléphoniques avec une vingtaine d'ingénieurs et entrepreneurs en construction, soit quatre appels par jour, weekends inclus.

Accurso, ami et client de Trépanier

Bernard Trépanier comptait également une entreprise de Tony Accurso parmi ses clients, a révélé la commission Charbonneau mercredi matin. La compagnie de son «ami», Louisbourg, a versé 12 000 $ en septembre 2007 à l'entreprise du collecteur de fonds.

Le témoin a commencé hier après-midi à témoigner devant la commission Charbonneau. Parallèlement à son travail de collecteur de fonds, il a reconnu mardi avoir travaillé illégalement comme lobbyiste pour six entreprises liées au domaine municipal.

Ce matin, le procureur Denis Gallant a toutefois indiqué que Trépanier avait oublié de nommer certains de ses clients. L'un d'eux est nul autre que Tony Accurso. La Commission a trouvé la trace d'un paiement de 12 000 $ dans le compte de Bermax, entreprise de Bernard Trépanier. «Ça me dit absolument rien», a-t-il toutefois répondu.

Se décrivant comme un proche de Tony Accurso, il a plus tard reconnu lui avoir parlé pas plus tard que la semaine dernière pour parler de son témoignage.

Autre oubli hier, Bernard Trépanier a aussi reçu 30 000 $ de l'entreprise Inspec-Sol, un laboratoire de génie civil. Trépanier a d'abord dit qu'il faisait du «maraudage» pour trouver de nouveaux employés. Il a fini par admettre qu'il ait pu être embauché pour «ouvrir des marchés» à l'entreprise dans certaines villes.

Parmi ses autres clients, Nepcon a versé pas moins de 75 000 $ en une seule année financière à Trépanier. Celui-ci a résumé son rôle à aider l'entreprise à vendre du mobilier urbain... bien qu'il ait eu de la difficulté à définir ce que représente du mobilier urbain.

Trépanier a aussi empoché en 2008 une somme de 45 000 $ de la firme de génie SM. Le témoin a d'abord affirmé qu'il s'agissait d'une compensation pour avoir aidé un proche du propriétaire de l'entreprise, Bernard Poulin, à vaincre l'alcoolisme. Or, cette histoire remonte au début des années 2000, rendant peu plausible un paiement plusieurs années plus tard. Il a fini par donner une autre explication, disant avoir surveillé les travaux de rénovation d'un condo appartenant à la firme en Floride, où il séjourne en hiver.

Ces rémunérations viennent s'ajouter aux 100 000 $ par an que Dessau a versés à Trépanier de 2002 à 2010. Il a également touché un salaire annuel de 82 000 $ d'Union Montréal de 2004 à 2006.