Les musulmans de Québec auront leur cimetière, a promis le maire Régis Labeaume lors de la cérémonie funéraire à la mémoire de trois des victimes de l'attentat de dimanche dernier.

M. Labeaume s'est engagé à mettre ce projet en branle à l'issue d'une semaine éprouvante pour lui et sa ville, déclenchant les applaudissements de la foule réunie au centre des congrès. Jusqu'à maintenant, le seul cimetière musulman de la province se trouve dans la région de Montréal.

La demande avait d'ailleurs été renouvelée au cours de la même cérémonie par un imam.

«Nous sommes une communauté qui est aujourd'hui plus forte, plus solide dans sa diversité, plus solidaire», a dit le maire de Québec. «Je veux vous dire : vous aurez ce cimetière musulman.»

Plusieurs centaines de musulmans et de non-musulmans s'étaient déplacés pour rendre un dernier hommage aux trois résidants de la Vieille-Capitale tombés sous les balles il y a cinq jours à la Grande mosquée de Québec. La cérémonie est la dernière prévue dans la foulée immédiate de l'attentat.

Parlant juste avant M. Labeaume, le premier ministre Trudeau a qualifié l'événement d'«attentat terroriste».

Les Canadiens sont «forcés de réfléchir aux paroles qui visent certains de nos concitoyens en les excluant, en les rabaissant sur la base de leurs origines ou de leur religion», a-t-il ajouté. «Il est plus que temps que les auteurs de tels discours - qu'ils soient politiciens, animateurs ou autre personnalité publique - se rendent compte du tort que leurs propos peuvent causer», a-t-il dit.

Philippe Couillard a souhaité que «beaucoup ait été compris» des tragiques événements. Il a prononcé quelques phrases en arabe avant d'être ovationné par les musulmans réunis. «Connaissons mieux nos voisins, parlons-nous, visitons-nous», a-t-il demandé aux Québécois.

«On aimerait beaucoup que ce pays nous choisisse»

«Personne ne choisit sa terre natale», mais les musulmans qui se sont installés au Québec et à Québec voudraient contribuer à bâtir leur société d'adoption, a plaidé l'imam Hussein Guillet.

«Comme on a choisi ce pays, on aimerait beaucoup que ce pays nous choisisse», a-t-il ajouté. 

M. Guillet a décrit Azzedine Soufiane, Mamadou Tanou Barry et Ibrahima Barry comme des «martyrs», des «étoiles qui vont nous guider», des fidèles n'ont «pas pu finir leur prière» dimanche dernier. «Nous demandons à Allah de les ramener à lui pour qu'ils puissent terminer leur prière.»

Bissonnette, une autre «victime»

L'imam Guillet a aussi qualifié Alexandre Bissonnette, accusé de six meurtres, de victime dans cette affaire.

«Il y a des mots qui ont été plantés dans son cerveau» dans un climat créé par «certains politiciens, certains journalistes, certains médias».

«Notre ennemi n'est pas Alexandre Bissonnette, c'est l'ignorance», a continué le leader religieux. 

«J'ai honte»

Lise, une professeure de cégep qui assiste à la cérémonie, a affirmé avoir fait le déplacement «pour soutenir» les familles de victimes et la communauté. «Je réside à Québec et j'ai honte. Tout ce qui se passe me dépasse», a-t-elle ajouté, une rose rouge sur les genoux. 

À l'entrée du centre des congrès, Amina Bensoltan disait espérer que cette cérémonie puisse contribuer à panser les plaies ouvertes par l'attentat, «pour qu'on puisse construire un Québec, un Canada fort avec tout le monde». «Quand je vais dans mon pays natal et que l'avion atterrit à Québec, je suis chez moi», a-t-elle ajouté.

Johanne Dion et Johanne Desnoyers tenaient aussi à assister à la cérémonie. «Ce sont nos frères de coeur», a expliqué la première. «Ce sont des Québécois comme nous», a dit la seconde.