Sites web hors service, pharmacies inondées d’appels, files d’attente interminables, plages horaires de rendez-vous déjà remplies, livraisons manquantes… La course aux tests rapides qui a commencé lundi matin a connu un départ chancelant, au grand dam de nombreux Québécois.

Matinée étourdissante à la pharmacie Proxim au coin des rues Ontario et Saint-Hubert, à Montréal. Les employés, déjà exténués, peinent à discuter avec les clients. La sonnerie du téléphone retentit toutes les deux minutes. « Ça n’arrête pas », s’exclame spontanément un employé.

La succursale n’a reçu aucun test rapide lundi matin, comme l’indiquent les multiples affiches placardées à l’entrée. Mais les gens appellent tout de même en quête de la trousse tant convoitée.

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La pharmacie Proxim au coin des rues Ontario et Saint-Hubert

Avant d’annoncer l’arrivée des tests rapides en grande pompe, le gouvernement aurait dû attendre que les stocks soient arrivés dans la plupart des pharmacies, selon Étienne Munger. « Tout le monde présume qu’on le recevait aujourd’hui. Ça aurait été bien d’attendre au lieu de créer une cohue », a dit en soupirant le gérant excédé.

Par ailleurs, le propriétaire de la pharmacie privilégie les patients qui ont déjà un dossier dans l’établissement. « On a déjà une liste de gens à appeler quand ce sera reçu », précise M. Munger.

D’autres pharmacies procèdent de la même façon.

Résultat : les gens sont nombreux à repartir bredouilles.

Devant une pharmacie Brunet quelques rues plus loin, il y avait une impression de déjà-vu. Un désordre semblable à celui observé au début de la campagne de dépistage, avec les cliniques bondées. « Ça me rappelle la désorganisation du début de pandémie. C’est toujours des annonces sans fiabilité sur le terrain », lâche Mustapha Ben. Cet homme ressentait de légers symptômes de la COVID-19 et voulait s’assurer de pouvoir passer les Fêtes en famille. Il est retourné chez lui les mains vides sous le regard des employés navrés.

Pierre Cloutier s’est précipité bien avant l’ouverture au Proxim du chemin de Saint-Jean, à La Prairie. « On s’est fait dire sèchement que c’était uniquement les noms qu’elles avaient notés à la main sur trois feuilles de papier. »

La pharmacie a finalement accepté de prendre en note les coordonnées des clients qui patientaient en file.

Problèmes techniques sur le web

Dans un Jean Coutu de l’avenue du Mont-Royal, des trousses étaient disponibles… pour les chanceux qui avaient obtenu un rendez-vous avant que le site web connaisse des difficultés.

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« Il y a une erreur de serveur interne sur le réseau. S’il vous plaît, réessayez dans quelques minutes », pouvait-on lire sur la page d’accueil du site des pharmacies Jean Coutu lundi matin.

« On a reçu des stocks très, très limités. Ensuite, on les reçoit au compte-gouttes. C’est sûr qu’il y a des gens déçus », a expliqué le gérant Éric Dagenais.

Marcel Leblanc se frayait un chemin dans l’allée d’une pharmacie Jean Coutu du boulevard Monk, entre les employés nerveux et les clients confus. L’homme de 84 ans est reparti bredouille. « Je ne comprends pas trop internet. Le site ne marchait pas. Je suis venu voir si je pouvais au moins donner mon nom pour qu’ils me rappellent, mais non. »

Les tests rapides permettent de détecter la COVID-19 en quelques minutes. Mais pour obtenir un rendez-vous afin de s’en procurer, il faut prendre son mal en patience.

D’abord hors service lundi matin, le site web de Jean Coutu était finalement accessible en fin de matinée. On affichait neuf heures d’attente pour pouvoir réserver une plage horaire.

Les usagers se sont également butés à une faille technique pour les sites internet des pharmacies Proxim et Uniprix.

Impossible de réserver une plage horaire dans une succursale Brunet lundi matin, constatait-on sur le site web de l’entreprise.

Plus de 800 000 trousses de tests doivent être distribuées à partir de lundi à travers la province dans près de 2000 pharmacies.

Les livraisons se poursuivent

« Les autotests sont un outil essentiel. Je sais que les Québécois ont hâte de les utiliser. On fait tout en notre pouvoir pour que ça fonctionne rondement », a assuré en point de presse le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

Les prochaines livraisons seront destinées aux pharmacies, mais une partie sera conservée pour les travailleurs de la santé et les personnes vulnérables en CHSLD et en RPA.

« Les quantités sont limitées par les arrivages du fédéral, mais je dois les remercier pour le travail qu’ils ont fait jusqu’à maintenant. C’est important que tout le monde fasse preuve de compréhension. Les pharmacies affichent déjà dans leurs commerces leurs disponibilités », a poursuivi le ministre.

On demande aux parents qui ont déjà eu des boîtes de tests par les écoles ou un service de garde de laisser la priorité aux personnes qui n’en ont pas encore reçu.

Les gens utilisant les tests rapides doivent être symptomatiques pour que ça fonctionne. Une fois que le test est positif, la personne doit se rendre dans un centre de dépistage pour confirmer le résultat, ajoute-t-on.

Pour recevoir sa trousse, chaque personne doit prendre un rendez-vous au préalable dans les pharmacies affiliées à Jean Coutu ou à Brunet, ainsi que dans certaines des pharmacies affiliées à Familiprix.

Pour ce qui est des pharmacies affiliées aux autres regroupements, dont Pharmaprix, Proxim, Uniprix, Accès pharma chez Walmart, pharmacies Grégoire Arakelian chez Costco et Horizon Santé, c’est plutôt le principe du premier arrivé, premier servi qui a été préconisé.

Le gouvernement entend fournir gratuitement aux Québécois âgés de 14 ans et plus une boîte de cinq tests rapides de COVID-19 par mois.

Il revient aux pharmacies d’assurer la distribution des tests, et chaque propriétaire organise la distribution selon sa réalité, précise le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse