Plusieurs organisations appellent les Québécois à boycotter Facebook et Instagram ce vendredi afin de dénoncer le blocage des nouvelles au Canada depuis le 1er août par l’entreprise mère Meta.

« C’est fondamental, ça nous préoccupe beaucoup, car ce que Meta fait touche à la robustesse de notre démocratie », explique en entrevue Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

M. Leblanc répondait à l’invitation au boycottage lancé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), une initiative qui a pour but de sensibiliser le public à la production locale de nouvelles.

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La CCMM invite ses 8000 membres de même que le public québécois à boycotter l’utilisation des produits de Meta pour envoyer un message clair au géant de la Silicon Valley.

« N’utilisez pas Meta vendredi. Il faut que Meta revoie sa position, car une société forte a besoin d’un système médiatique en santé », plaide M. Leblanc.

L’Australie a réussi et les médias y perçoivent des sommes de 174 millions par année des géants du web, alors on pense que quelque chose du même ordre pourrait tout à fait être envisagé au Canada.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM

Le président de la CCMM ajoute que des entreprises, dont Lassonde, Maxi, Sobeys, et New Look ont cessé d’annoncer sur Meta depuis le 1er août en opposition au blocage des nouvelles.

La décision de Meta de bloquer la diffusion des nouvelles au Canada depuis cet été prive les Canadiens d’une importante source d’information de qualité, signale quant à lui Michaël Nguyen, président de la FPJQ.

« Et ça ne frappe pas seulement les médias canadiens, mais bien tous les médias. Par exemple, la communauté marocaine au Canada ne peut plus voir les médias marocains sur Facebook pour prendre des nouvelles du séisme au Maroc, savoir ce qui se passe, etc. On sait que 30 % des Canadiens s’informent principalement sur les réseaux sociaux, une proportion qui monte à 50 % chez les moins de 30 ans. »

M. Nguyen invite les gens à « créer une habitude » en visitant les sites et en téléchargeant les applications des médias d’ici, et suggère au public d’en profiter pour s’abonner à une infolettre d’un média d’ici pour être informé à la source.

Plus que le journalisme

Selon une étude de l’UQAM, Meta aurait engrangé 192 millions en revenus à partir du contenu des journaux canadiens partagés sur Facebook en 2021. « Au Canada, les géants du web accaparent 80 % des revenus de la publicité en ligne. C’est 8 milliards par année qui quittent le Canada pour ne jamais y revenir. Et ça va plus loin que le journalisme. Par exemple, le public ne voit plus passer des critiques de théâtre sur Facebook. Alors les gens n’auront peut-être pas le réflexe d’aller voir une pièce, ce qui fait moins de revenus potentiels pour le théâtre. Ça peut jouer sur le rayonnement de notre culture », note le président de la FPJQ.

Cette semaine, Projet Montréal a lancé une campagne publicitaire sur Facebook, avant de se raviser après que TVA eut rappelé l’engagement de Valérie Plante de ne plus annoncer sur Meta.

M. Nguyen dit comprendre qu’il n’est pas évident pour des organisations de cesser d’employer Facebook. « En 2006, on s’en servait pour rester en contact avec la famille, puis avec les amis, puis pour regarder des vidéos, puis des nouvelles… C’est pour ça que c’est important d’envoyer le message qu’on ne donnera pas les clés du Canada à Meta. »

Les géants du web – essentiellement Meta et Google – devront verser des redevances aux médias canadiens s’ils diffusent du contenu produit par ces médias sur leurs plateformes. Ces redevances, qui devront faire l’objet de négociations, pourraient atteindre environ 230 millions de dollars par année – 172 millions dans le cas de Google et 62 millions dans le cas de Meta, selon les calculs du ministère du Patrimoine canadien.

Les médias canadiens pourraient toutefois ne jamais voir la couleur de cet argent si, comme le fait déjà Meta depuis le 1er août, les géants du web décident de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes pour se soustraire aux obligations découlant de cette loi.

L’histoire jusqu’ici :

  • Meta bloque depuis le 1er août l’accès aux nouvelles au Canada pour se soustraire aux obligations découlant de la loi C-18.
  • L’entreprise de la Silicon Valley pourrait devoir payer des millions en redevances aux médias canadiens si elle diffusait leur contenu sur ses plateformes.
  • Les nouvelles ont brièvement été bloquées après le passage d’une loi semblable en Australie en 2021, mais les géants du web se sont depuis entendus avec le gouvernement.