(Québec) Québec a franchi la barre des 100 enfants recherchés par des familles autochtones endeuillées depuis des décennies, un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi 79, qui donne accès aux archives médicales des hôpitaux québécois.

Le Secrétariat aux relations avec les Premières Nations et les Inuits a confirmé mardi l’ouverture de 100 dossiers de recherche impliquant la mort ou la disparition d’un enfant autochtone à la suite d’une admission dans un hôpital du Québec. Ce nouveau bilan fourni à La Presse implique 71 familles autochtones.

« Chaque cas est un cas horrible, mais je suis heureux que les familles nous fassent confiance pour qu’on puisse tenter de les aider », a réagi le ministre Ian Lafrenière, qui vient d’être reconduit dans ses fonctions. « Ce qui me surprend agréablement, c’est justement ce lien de confiance que la Direction de soutien aux familles (DSF) et que le regroupement Awacak ont pu construire avec les familles », a-t-il ajouté.

Le regroupement Awacak collabore avec la DSF – créée avec l’adoption de la loi 79 – pour recueillir les témoignages de familles à la recherche de réponses entourant la disparition et la mort d’un enfant autochtone. La DSF mène les recherches et accompagne les familles qui en font la demande pour retracer des archives médicales, par exemple, pour éclaircir la mort d’un poupon.

« Après une année de travail, je suis moi-même surprise qu’autant de familles aient choisi de dénoncer ce qu’ils ont vécu », a fait valoir de son côté la directrice du regroupement Awacak, Françoise Ruperthouse, qui revient tout juste d’une tournée en Basse-Côte-Nord. « C’est tellement difficile, et je le sais que ça prend du temps de parler d’enfants perdus », souligne celle dont la mère a perdu la trace de deux enfants à l’époque.

Depuis un an, des familles ont commencé à glaner des renseignements sur le sort d’un de leurs enfants. La Presse rapportait au printemps dernier celui de la famille Awashish et du bébé Joseph.

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La progression de chacun des dossiers est unique et il est donc difficile pour l’instant de tracer un bilan des résultats, indique le ministre. « À l’extrême, est-ce que présentement, on est en présence d’un cas où une famille a retrouvé un enfant vivant qui était ailleurs ? Non, ce n’est pas arrivé », illustre M. Lafrenière. « Est-ce qu’on a aidé des familles dans leur processus de deuil en amenant des réponses ? La réponse c’est oui », dit-il.

La loi québécoise oblige aussi les congrégations religieuses à communiquer les renseignements personnels susceptibles de faire connaître les circonstances ayant entouré la disparition ou la mort de l’enfant autochtone. Le ministre Lafrenière a réitéré l’importance de cet accès au secrétaire d’État du Vatican, lors du passage du pape François à Québec l’été dernier.

Du côté des institutions québécoises et des congrégations religieuses, le ministre soutient que ses équipes n’ont pas rencontré de « point de blocage » dans l’avancement des dossiers, mais apporte des nuances.

Je ne dis pas que tout le monde se garroche pour donner [des documents], il y a du travail à faire. Quand on parle de protection des données, il y a une raison à ça aussi.

Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits

Le premier rapport de la Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission dans un établissement (loi 79), diffusé en avril dernier, faisait état de recherches visant à éclaircir la disparition de 55 enfants, dont la forte majorité est des bambins innus et atikamekw.

Au moins 200 enfants autochtones auraient disparu ou seraient morts après avoir été admis dans des établissements de santé au Québec, selon les plus récentes estimations. Souvent, les enfants étaient amenés à l’extérieur des communautés sans leurs parents, qui étaient laissés dans le noir complet, même après un décès. Des cas ont été rapportés depuis les années 1940 et jusqu’à la fin des années 1970.

Selon Mme Ruperthouse, il faut continuer à faire connaître la portée de la loi dans les communautés aux quatre coins de la province. Après les Fêtes, le regroupement Awacak espère notamment être en mesure de visiter les communautés anishnabe. La pandémie a d’ailleurs retardé le travail terrain alors que plusieurs communautés ont été fermées aux visiteurs depuis les deux dernières années.