À moins d’une semaine de la fin annoncée du statut de leur résidence privée pour aînés (RPA), les locataires de la résidence montréalaise Mont-Carmel ont gagné une première manche. L’immeuble demeurera une RPA au moins jusqu’au 19 septembre, a tranché la Cour supérieure.

Suzanne Loiselle, une locataire jointe par La Presse, a accueilli la décision du tribunal avec une « explosion de joie et soulagement », mais fait montre d’un enthousiasme prudent.

« On sait très bien que ce n’est pas le point d’arrivée, mais le point de départ. C’est la première étape d’un long processus judiciaire. »

L’entreprise qui a racheté la propriété en décembre dernier doit « prendre les mesures nécessaires pour maintenir l’exploitation et la certification » de RPA, a tranché le juge Sylvain Lussier dans une ordonnance de sauvegarde rendue mardi.

L’ordonnance a été demandée par Nicole Jetté, une locataire de 79 ans. Mme Jetté a subi un accident vasculaire cérébral le 20 décembre 2021, six jours après que la propriété a changé de mains.

Le mois suivant, elle recevait un « avis d’éviction pour changement d’affectation », l’informant qu’à compter du 31 juillet 2022, la résidence ne serait plus une RPA offrant les services associés à ce statut, comme la présence d’une infirmière auxiliaire et d’un bouton de panique.

La dame « demeure à l’étape de récupération » et cette interruption de service « pourrait causer à la demanderesse un préjudice sérieux », a estimé le juge.

Mme Jetté est mandataire de 56 résidants, mais selon le tribunal, 95 autres locataires ont déjà quitté la RPA.

Les résidants pouvaient signer « un nouveau bail comme simple locataire, au loyer actuel majoré de 3 % », mentionnait la lettre qui accompagnait les avis d’éviction. Mais compte tenu des services inclus dans le loyer de la RPA, la hausse réelle était bien supérieure à 3 %, avait fait remarquer un résidant à La Presse en février dernier.

Pour les autres RPA

Au-delà des intérêts immédiats des résidants de Mont-Carmel, « on se bat pour que nos gouvernements légifèrent pour protéger ce genre d’institution, et que ces résidences ne soient pas à la merci de propriétaires immobiliers voraces », a souligné Mme Loiselle en entrevue téléphonique.

[Les résidants] peuvent compter sur Québec solidaire pour mener la bataille à leurs côtés jusqu’au bout.

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire, au sujet de la RPA située dans sa circonscription

Si QS était porté au pouvoir, il légiférerait « une fois pour toutes pour interdire les changements de vocation des RPA et les évictions abusives de personnes aînées », a affirmé Mme Massé par communiqué.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

Mont-Carmel appartient à la société en commandite 955 René-Lévesque Est, dont le président, Henry Zavriyev, est le seul actionnaire. Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas donné suite à notre demande relayée par l’une de ses avocates.

Le certificat de conformité de la RPA est valide jusqu’au 7 décembre 2023. Le propriétaire l’avait retourné au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, mais le CIUSSS devra le lui remettre, a ordonné le tribunal.

Depuis le changement de propriété, la RPA est administrée par Gestion LRM. Ce contrat se termine le 31 juillet, a confirmé le propriétaire de LRM, Robert Kuntzlinger, se refusant cependant à tout commentaire.

Le propriétaire de la RPA a prévu congédier « le personnel affecté à cette tâche » après le 31 juillet, mentionne le jugement en citant une déclaration sous serment de M. Kuntzlinger.

Qui assurera les services de RPA à compter du 1er août ?

Le niveau d’information, c’est zéro.

Suzanne Loiselle, locataire du RPA Mont-Carmel

« Et c’est comme ça depuis le changement d’administration », a affirmé Mme Loiselle, qui n’avait pas encore reçu d’information du propriétaire mercredi.

« C’est l’enfer, il faut aussi se battre pour la qualité des services », a-t-elle ajouté, en citant les services de santé, d’entretien et de sécurité. « Avant, la personne à la réception connaissait tout le monde. Maintenant, c’est comme une passoire ! »

Avec Louise Leduc, La Presse