Le gouvernement Couillard n'a donné qu'un appui mitigé à la patronne de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Michaëlle Jean. Au moment où le gouvernement Trudeau répétait son appui à l'ex-gouverneur générale, Québec a opté pour une réaction « prudente » après que le président français Emmanuel Macron a donné son appui à une ministre rwandaise.

« Nous attendons que la candidature du Rwanda soit officiellement déposée pour réagir. Pour l'heure, on est satisfaits de plusieurs avancées sous la gouverne de Mme Jean, sur l'égalité des sexes et les jeunes », a souligné la ministre responsable des Relations internationales, Christine St-Pierre. De passage dans Saint-Laurent, Philippe Couillard a renforcé ces réserves : « Il est clair qu'une grande partie de l'avenir de la francophonie internationale va se jouer sur le continent africain. »

« Nous répétons notre souhait pour plus de rigueur et de transparence dans l'administration de l'OIF », a ajouté Mme St-Pierre dans un entretien à La Presse. Plus tôt mercredi à Ottawa, la responsable du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, avait rapidement réagi à l'appui surprise du président français Emmanuel Macron à une candidature du Rwanda, soit la ministre des Affaires étrangères de ce pays, Louise Mushikiwabo.

« La ministre des Affaires étrangères du Rwanda a toutes les compétences pour exercer en effet cette fonction. Elle a une maîtrise parfaite de la langue française, a-t-il dit, heureux de pouvoir appuyer une candidature féminine de surcroît. Avoir une candidate est une très bonne nouvelle. À ce titre, je la soutiendrai », a affirmé M. Macron lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue rwandais Paul Kagame, qui s'est lui aussi dit favorable à une candidature de sa ministre.

« Notre gouvernement appuie le renouvellement du mandat de Michaëlle Jean à la tête de l'OIF », a affirmé Mme Bibeau dans une déclaration écrite. Mme Jean « promeut activement nos priorités canadiennes au sein de la Francophonie, comme l'égalité entre les hommes et les femmes et l'entrepreneuriat chez les jeunes et les femmes », selon elle.

Il y a quelques jours, après une rencontre avec Emmanuel Macron, Justin Trudeau avait réitéré fermement son appui à Mme Jean. En février dernier, à l'Élysée, Philippe Couillard avait aussi cautionné la candidate canadienne, en rappelant qu'il n'y avait alors aucune autre candidature. Au surplus, il avait dit souhaiter que l'Organisation fasse preuve de plus de « transparence et de rigueur ». On relève des avancées sur le plan de l'égalité des sexes et de la détermination de l'OIF pour les jeunes, mais on observe sans détour que l'ex-gouverneure générale « n'est pas beaucoup sur le terrain, au ras des pâquerettes ». Ses dépenses et le manque de contrôle du projet de l'Hermione, une frégate destinée à promouvoir la jeunesse francophone, ont fait sourciller à Québec.

Partie difficile pour Mme Jean

Nommée a la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie au Sommet de Dakar, en novembre 2014, Michaëlle Jean est sérieusement en eaux troubles. Le gouvernement du Québec avait, depuis quelques jours, entendu des rumeurs quant au changement de cap de la France - en 2014, François Hollande avait donné son appui, névralgique, à Mme Jean. Mais celle-ci n'a jamais fait consensus dans les pays africains.

À l'interne, on ne parie guère sur les chances de la Canadienne si les pays membres se rendent jusqu'à une élection, ce qui serait sans précédent. Seul Jean-Louis Roy, pour le Canada, avait eu à affronter une élection contre un candidat belge pour devenir secrétaire de l'Agence de coopération culturelle et technique, l'ancêtre de l'OIF. À Hanoi en 1998, Boutros Boutros Ghali avait été choisi après qu'un candidat du Bénin se fut désisté, quelques heures avant le sommet.

Le prédécesseur de Mme Jean, Abdou Diouf, avait aussi été choisi par consensus, sans passer par une élection.

La France, comme plus important contributeur financier, a un rôle déterminant. Les pays africains sont majoritaires. La conjonction des deux rend bien problématique un prolongement de mandat pour Mme Jean, explique-t-on en coulisses. La décision se prendra en octobre prochain, au Sommet de la Francophonie à Erevan, en Arménie.

Mme Jean, qui a fait la manchette pour son train de vie fastueux et l'augmentation des dépenses de l'organisation qui a son siège social à Paris, n'a jamais eu l'appui des pays africains, qui considèrent toujours que la direction de l'OIF doit revenir à un pays en développement.

En 2014, à Dakar, plusieurs candidats africains avaient levé la main, mais aucun n'était parvenu à établir un consensus. L'organisation penchait pour l'ex-président du Burkina Faso Blaise Compaoré, mais ce dernier avait été déposé par son pays, juste avant.

Mme Jean était la candidate du Canada, appuyée par Stephen Harper et par Philippe Couillard. Désireux d'organiser un sommet mondial sur l'environnement, et tenant à l'appui du Canada, François Hollande avait donné son appui à la candidate canadienne. En fait, la France n'était pas parvenue à fixer son choix sur un candidat africain. Des candidats prestigieux comme l'écrivain congolais Henri Lopez et Jean-Claude de l'Estrac, ex-ministre mauricien, étaient sur les rangs, mais avaient déclaré forfait à la suite de la décision du président Hollande.