Un enseignant en acupuncture au Collège de Rosemont est sévèrement blâmé par son ordre professionnel pour s'être servi de sa profession pour tenter de recruter des clientes au sein de La Mission de L'Esprit-Saint, une communauté religieuse controversée qui voue un culte à Eugène Richer dit La Flèche. Emmanuel Francoeur a même endoctriné une de ses élèves au début des années 90.

Au terme de huit ans de procédures judiciaires, le conseil de discipline de l'Ordre des acupuncteurs du Québec a reconnu Emmanuel Francoeur coupable de neuf infractions déontologiques commises à l'endroit de deux clientes. L'acupuncteur d'expérience pratique son métier dans une clinique qui se trouve sur le site de La Mission de L'Esprit-Saint, qui compte environ 400 fidèles à Saint-Paul, près de Joliette.

Dans un cas survenu entre 1990 et 2004, le Conseil a reconnu Emmanuel Francoeur coupable d'avoir recruté une élève du Collège, alors qu'il agissait comme son acupuncteur à la Clinique-école. Cette femme d'une trentaine d'années qui étudiait l'acupuncture s'était jointe à la communauté religieuse en 1994 avec ses deux enfants, avant de la quitter 10 ans plus tard. Selon le Conseil, Emmanuel Francoeur n'a pas eu une «conduite irréprochable sur le plan de l'intégrité mentale et émotive» en parlant de ses croyances religieuses à sa patiente qui vivait alors des difficultés dans son couple.

«La propagande, la diffusion, le rayonnement ou même la vulgarisation de ces valeurs n'ont pas leur place lors des traitements avec ses patients», peut-on lire dans la décision du Conseil.

Ainsi, Emmanuel Francoeur «semble être incapable de mettre une distance et de faire une distinction entre ses valeurs familiales, soit celles propagées par La Mission, et sa profession».

Le conseil de discipline reproche également à Emmanuel Francoeur d'avoir parlé de ses convictions religieuses à une cliente en 2009 dans le but de la recruter comme adepte. L'acupuncteur l'avait alors invitée à une soirée de chants spirituels de La Mission et lui avait expliqué que le monde était maintenant dans «l'ère de l'Esprit-Saint, après avoir passé l'ère de Dieu et celle de Jésus».

«[Il] n'a certes pas à l'entretenir de ses croyances religieuses, du Maître [Eugène Richer] et de La Mission, alors qu'il agit à titre d'acupuncteur et donne un traitement à une patiente. [Il] manque de modération en s'épandant sur les origines de La Mission, son Maître et ses croyances. De tels discours n'ont pas leur place dans le cabinet d'un professionnel», écrit le Conseil.

Selon le Conseil, Emmanuel Francoeur intervenait «dans les affaires personnelles de sa patiente» dans le «but inavoué» de lui faire connaître la Mission. De plus, tout dans sa clinique était mis en place «pour susciter chez les patients des interrogations sur La Mission, par le biais des valeurs familiales».

«Je me sens très bien là-dedans»

Joint par La Presse à sa clinique, Emmanuel Francoeur a nié avoir tenté de recruter des patientes dans le cadre de son travail. «C'est l'opinion du conseil de discipline. De mon côté, je me sens très bien là-dedans», a-t-il dit. L'acupuncteur devait consulter son avocat pour étudier la possibilité de faire appel de la décision. 

«On évoquait qu'il y avait eu des délais déraisonnables. Ce n'est même pas le même comité qui avait entendu la preuve qui a dû faire une décision!», dit M. Francoeur.

La direction du Collège de Rosemont n'a pas l'intention d'imposer de mesures disciplinaires à Emmanuel Francoeur tant que la sanction n'aura pas été déterminée par le conseil de discipline. Ce dernier risque la destitution pour ses infractions. «À la lumière de la décision finale, le Collège sera à même de voir s'il y a des actions supplémentaires à prendre», a déclaré le directeur général Stéphane Godbout.

Néanmoins, les mesures imposées en 2010 par le Collège à la suite du dépôt de la plainte demeurent en vigueur, ajoute-t-il. Ainsi, Emmanuel Francoeur n'enseigne plus de cours cliniques et ne fait plus de coordination de stages. «Depuis ce temps, on n'a eu aucune plainte ou allégation de la part de qui que ce soit. [...] Les étudiants n'ont pas à craindre», maintient Stéphane Godbout.