Qu'est-ce que ça prendra? », demande le grand chef Alvin Fiddler, de la nation Nishnawbe Aski. « C'est le moment pour le Canada de se réveiller », renchérit Joshua Frogg, un leader autochtone dont la nièce de 12 ans s'est enlevée la vie au début janvier. Le député néo-démocrate Charlie Augus est encore plus direct. « Combien d'enfants est-ce correct de laisser mourir? », s'interroge-t-il.

Après deux autres suicides d'enfants autochtones - deux filles de 12 ans, Chantel Fox et Jolynn Winter - au début janvier dans la communauté autochtone ontarienne de Wapekaka, plusieurs leaders autochtones de partout au pays pressent le gouvernement Trudeau d'agir immédiatement La semaine dernière, un rapport du Bureau du coroner du Québec exhortait aussi les gouvernements à agir, dénonçant le « régime d'apartheid dans lequel les autochtones sont plongés depuis 150 ans sinon plus ». Le coroner enquêtait sur le suicide de cinq membres des communautés autochtones de la Côte-Nord entre février et octobre 2015.    

En conférence de presse jeudi à Ottawa, les leaders autochtones veulent que le gouvernement Trudeau lance une stratégie nationale de prévention du suicide chez les autochtones. Ils demandent aussi un plan de financement à long terme en santé pour les Premières nations, à l'instar des provinces. « Nos enfants méritent le même appui. Je sais que la ministre [fédérale de la Santé Jane] Philpott a le coeur à la bonne place, mais davantage doit être fait. Il y a urgence », dit Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières nations, en conférence de presse à Ottawa. Le taux de suicide chez les autochtones est cinq plus fois élevé que la moyenne canadienne, fait remarquer le chef national Bellegarde. 

« La culture doit changer. Quand est-ce assez? Nos travailleurs sociaux et nos communautés sont fatigués. Le gouvernement annonce peut-être des initiatives, mais des actions seraient certainement plus fortes que des mots », dit le grand chef Jonathan Solomon, du conseil de Mushkegowuk. 

« Un Katrina qui bouge lentement », dit le NPD

Le député néo-démocrate Charlie Augus somme le gouvernement Trudeau d'intervenir. « Combien d'enfants est-ce correct de laisser mourir? C'est un Katrina qui bouge lentement. Je suis désolé, mais je n'achète plus les condoléances et que le gouvernement dise qu'il a un plan. C'est une question de volonté politique. Le premier ministre doit dire : assez de la bureaucratie, produisez des résultats et financez à long terme. [...] C'est une crise générée par le Canada. [...] Pourquoi le refus pour mettre en place les mêmes ressources pour les communautés autochtones qui sont sous juridiction fédérale?», dit le député néo-démocrate Charlie Angus, qui a participé hier à une conférence de presse avec les leaders autochtones à Ottawa. 

Les leaders autochtones et le NPD blâment notamment la bureaucratie fédérale. En octobre dernier, Ottawa a octroyé 155 millions supplémentaires pour la santé des enfants autochtones. « Ils n'ont pas dépensé un sou. Si c'était des enfants blancs, les fonctionnaires seraient virés  », dit le député néo-démocrate Charlie Angus. 

Complaisance

Le médecin Michael Kirlew, qui pratique dans les communautés autochtones dans le nord de l'Ontario, déplore le système de santé de « beaucoup inférieur » dans les réserves. 

« L'éducation, la santé et la protection de la jeunesse sont sous financées. C'est très difficile pour les enfants d'avoir les services essentiels dont ils ont besoin. Ne faites pas d'erreur : notre complaisance se traduira par des vies d'enfant », dit le Dr. Kirlew.

Des « défis importants », dit la ministre Philpott

La ministre fédérale de la Santé Jane Philpott se dit « profondément engagée à travailler avec nos partenaires pour avoir de nouvelles équipes en santé mentale et en crise pour répondre aux besoins [des communautés autochtones]. »

La ministre Philipott estime que les « circonstances dans un nombre de communautés autochtones à travers le pays sont troublantes. » « Il y a des défis importants [« deep challenges »] dans ces communautés qui ont mené à une situation où de jeunes gens n'ont pas d'espoir en l'avenir. Nous avons travaillé avec les communautés des Premières nations ou les peuples autochtones à travers le pays pour développer la solution dont ils ont besoin. [...] Nous avons investi 300 millions à travers le pays en bien-être mental [dont 24 millions dans la région de Wapekeka, où les deux filles de 12 ans se sont suicidées au début janvier] », a dit la ministre Philpott en point de presse ce matin à Moncton. La ministre Philpott a qualifié de « tragiques » les décès des deux filles de 12 ans à Wapekeka.