La relation s'envenime entre Québec et l'association Les avocats et notaires de l'État québécois (LANEQ), qui dépose aujourd'hui une demande d'injonction et qui pense «très sérieusement» à poursuivre en dommages et intérêts le gouvernement qu'elle accuse de transgresser la Loi sur les normes du travail dans le conflit actuel.

En grève depuis le 24 octobre dernier, les 1100 avocats et notaires à l'emploi des différents ministères et organismes gouvernementaux doivent néanmoins assurer les services essentiels pour les cas jugés urgents.

Selon LANEQ, la moitié des membres ont dû se présenter au travail depuis octobre, sans toutefois être rémunérés dans les normes.

«Ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a émis une directive par l'entremise du Conseil du trésor à l'effet qu'il ne fallait pas payer le minimum de trois heures. Mais c'est une norme d'ordre public. On ne peut pas la transgresser, de quelque façon que ce soit», dénonce Me Jean Denis, président de LANEQ.

Désobéissance civile

Dans la demande d'injonction déposée ce matin et dont La Presse a obtenu copie, LANEQ avance que plusieurs avocats ont été appelés au travail pour rendre le service essentiel, mais que leur présence au bureau a été inférieure à trois heures. Ils ont toutefois été «payés sur la base du temps réellement travaillé plutôt que selon un minimum de trois heures conformément au premier alinéa de l'article 58 de la Loi sur les normes du travail», peut-on lire, huit déclarations d'avocats concernés à l'appui.

LANEQ a d'abord demandé au Tribunal administratif du travail (TAT) de faire annuler la directive du Conseil du trésor, mais jeudi, le TAT a conclu qu'il n'était pas l'autorité compétente pour ce faire.

Ainsi, l'association s'est tournée vers la Cour supérieure et, par l'entremise de l'injonction, demande notamment à la Cour d'ordonner aux instances gouvernementales concernées (Conseil du trésor, ministère de la Justice, Société de l'assurance automobile du Québec, Régie de l'assurance maladie du Québec, Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail) de payer ses membres conformément à la Loi sur les normes du travail.

Une poursuite, s'il le faut

Les prochains jours seront déterminants dans la suite du conflit. D'abord parce que la Cour supérieure devra répondre rapidement à la demande en injonction du syndicat des avocats et notaires de l'État, mais aussi parce que l'association, convaincue que le gouvernement agit ainsi pour épuiser son fonds de grève, n'entend pas en rester là.

«On a une avocate qui a travaillé tout le temps des Fêtes pour un gros procès qui va durer 12 semaines. Le gouvernement ne lui a payé aucune des heures supplémentaires qu'elle a faites, ni le 23-24 décembre et le 1er janvier», témoigne Me Denis, avançant que le syndicat entend consacrer les prochains jours à l'étude de cas semblables.

«J'ai des membres qui ont reçu une paie d'un sou. Un sou! On va évaluer toutes ces horreurs-là que le gouvernement commet pour nous humilier et nous insulter pour voir s'il peut être poursuivi en dommages et intérêts, et je vous jure que si on va de l'avant, elle va être élevée, la poursuite», promet l'homme de loi.

Ni le Secrétariat du Conseil du trésor ni le ministère de la Justice n'ont répondu aux demandes d'entrevue de La Presse.

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Pourquoi une grève?


Sans contrat de travail depuis le 31 mars 2015, les membres de LANEQ ont déclenché une grève générale illimitée le 24 octobre 2016, vote reconduit dans une proportion de 90% le 20 décembre dernier. Les juristes et notaires de l'État veulent l'adoption d'une nouvelle façon de négocier, comme ce fut accordé aux procureurs de la Couronne. Ils réclament donc une reconnaissance de l'indépendance de leurs fonctions. Pour ce faire, ils réclament une loi particulière qui va les sortir du Code du travail et de la Loi sur la fonction publique, et échanger leur droit de grève contre un mode de négociation.

«Ça devient un comité de rémunération qui fait des recommandations et c'est négocié, mais tout ça en restant au travail. On ne serait pas obligé de sortir en grève et de négocier comme on le fait présentement parce que nous, on trouve que notre travail est essentiel et qu'on devrait rester là, explique Me Jean Denis. C'est curieux, vu comme ça. On sort en grève parce qu'on ne veut plus faire la grève.»

Côté salarial, LANEQ demande l'équivalent de ce qui a été octroyé aux procureurs de la Couronne l'an dernier, soit une augmentation de 10% sur quatre ans.