Le Journal de Montréal a été visé hier soir par une perquisition de la Sûreté du Québec visant à identifier la provenance d'un enregistrement gênant pour une juge de la Cour du Québec, révèle le quotidien dans son édition de ce matin.

Des policiers ont saisi l'ordinateur de Michael Nguyen, le correspondant du journal au palais de justice de Montréal.

Le journaliste a révélé plus tôt cet été une bande de vidéosurveillance qui montre la juge Suzanne Vadboncoeur traitant des constables spéciaux de «cons», d'«épais» et d'«imbéciles» en raison de leur difficulté à ouvrir une porte électrique. Elle sortait d'un souper de Noël des juges. 

Le magistrat fait maintenant l'objet de procédures devant le Conseil de la magistrature, le comité de déontologie des juges, pour répondre de son comportement.

C'est une plainte portée par cette institution qui aurait mené à la perquisition d'hier, selon Le Journal de Montréal. Le texte publié par le quotidien indique que le Conseil reproche à M. Nguyen d'avoir «indûment» eu accès à des documents sur son site internet.

«Notre journaliste Michael Nguyen n'a transgressé aucune loi, a fait valoir le directeur de l'information du Journal de Montréal, George Kalogerakis. Il faisait simplement son travail en montrant au public le comportement discutable de la juge Vadboncoeur.»

L'ordinateur saisi a été placé sous scellé. Le Journal de Montréal entend contester la saisie.

Les communautés journalistique et politique dénoncent la perquisition

La classe politique ajoute sa voix à celle de la communauté journalistique pour réclamer une protection des sources d'information.

L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, jeudi, une motion voulant «Que l'Assemblée nationale rappelle l'importance du respect du principe de protection des sources journalistiques».

Cette motion a été présentée par le député caquiste Simon Jolin-Barrette, avec l'appui du péquiste Maka Kotto et de la députée de Québec solidaire Manon Massé.

Pour sa part, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a fait écho à ces propos et pressé la SQ de rendre l'ordinateur au journaliste Michaël Nguyen et de renoncer à en analyser le contenu.

«Pour la FPJQ, c'est inadmissible tout simplement de perquisitionner des journalistes ou des médias d'information si l'objectif est de démasquer leurs sources, parce que démasquer les sources, c'est en quelque sorte de l'intimidation à l'endroit des journalistes et à l'endroit des sources», a expliqué son président par intérim, Jean-Thomas Léveillé, en entrevue téléphonique.

La FPJQ rappelle au passage que la Cour suprême a elle-même reconnu l'intérêt de protéger les sources des journalistes, notamment dans l'affaire «Ma Chouette», du nom de l'informateur qui a permis au reporter Daniel Leblanc d'exposer au grand jour le scandale des commandites au gouvernement fédéral au début des années 2000.

«La Cour suprême a aussi dit que ce n'est pas la responsabilité des journalistes si une de leurs sources a enfreint un engagement de confidentialité quelconque; si l'information était d'intérêt public, le journaliste n'a pas à être perquisitionné et n'a pas à se faire questionner sur la provenance de son information», a ajouté M. Léveillé.

Cette question est d'actualité, puisque la perquisition au Journal de Montréal s'inscrit dans une série de tentatives des autorités diverses de traquer des sources au sein de leurs organisations lorsque des informations d'intérêt public divulguées par des lanceurs d'alerte internes font la manchette.

«Nous sommes très inquiets à la FPJQ de voir les autorités s'en prendre à des journalistes pour tenter d'identifier leurs sources (...) ainsi que par les chasses aux sorcières, cette volonté qu'ont les autorités de trouver les sources de journalistes, de savoir qui dénonce une situation qui est pourtant d'intérêt public», a ajouté M. Léveillé.

Il rappelle au passage que les journalistes ne sont pas des informateurs de la police et les corps policiers ne doivent pas se servir des journalistes pour accomplir leurs enquêtes.

Pour sa part, le député Jolin-Barrette a ainsi justifié le dépôt de sa motion en point de presse: «Le travail journalistique, c'est le quatrième pouvoir de notre société, et c'est important de s'assurer, si on veut avoir une société qui est libre et démocratique, de protéger la confidentialité des sources journalistiques.»

- Avec La Presse canadienne