Alors qu'un débat fait rage à Montréal sur l'adoption d'un règlement interdisant les pitbulls, la Ville de Sainte-Adèle vient d'abandonner son interdiction en vigueur depuis 18 ans. La municipalité, qui a été le théâtre de deux attaques de ce type de chien en juin, invoque la trop grande difficulté à faire respecter un tel interdit.

« Quand une municipalité adopte un règlement, elle doit être en mesure de le faire appliquer. Ce n'était pas réaliste de maintenir l'interdiction alors qu'on n'avait pas les ressources pour faire appliquer un règlement interdisant une race spécifique », explique Simon Filiatreault, greffier et directeur des services juridiques de Sainte-Adèle. À défaut de modifier son règlement, la municipalité estimait également qu'elle risquait de voir sa responsabilité mise en cause lors d'un accident.

Depuis une semaine, les pitbulls ne sont ainsi plus canins non grata dans cette municipalité de 12 000 habitants des Laurentides. Les élus de la municipalité ont adopté le 15 août un nouveau règlement sur le contrôle des animaux qui vient remplacer celui en vigueur depuis 1998. 

Les anciennes règles interdisaient « tout chien de race bull-terrier, Staffordshire bull-terrier, american bull-terrier ou american Staffordshire terrier ». Les chiens hybrides ou « croisés possédant des caractéristiques substantielles d'un chien de cette race » étaient aussi frappés par cet interdit.

DEUX ATTAQUES EN JUIN

Mais comme l'ont souligné deux attaques de pitbulls survenues en juin à Sainte-Adèle, ces chiens n'avaient pas disparu pour autant malgré l'interdit en vigueur. Lors de l'une d'entre elles, une femme qui se rendait à pied chercher ses enfants a été mordue aux cuisses, incident qui avait été fortement médiatisé.

Le nouveau règlement élimine maintenant toute trace de l'interdiction des pitbulls. En fait, la seule référence à la notion de « race » subsistant touche l'enregistrement des animaux, les propriétaires devant indiquer quel type de chien ils possèdent.

DEMANDE DE LA SPCA

Ce changement survient également alors que Sainte-Adèle a décidé de changer de fournisseur de services animaliers. Elle recourt depuis le 1er juillet aux services de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) Laurentides-Labelle. L'organisation, qui s'oppose à l'interdiction des pitbulls, a demandé un changement à la réglementation dans les discussions avec la municipalité. « Ça faisait partie de leurs demandes, mais ça s'est fait d'un commun accord », a indiqué Simon Filiatreault.

La SPCA explique faire ces recommandations aux villes désirant recourir à ses services, estimant que son expérience démontre que l'interdiction d'une race est inefficace. L'organisation juge que miser sur la prévention auprès des chiens dangereux est plus efficace.

Sainte-Adèle estime que sa population sera mieux protégée avec l'arrivée de la SPCA puisque celle-ci dispose des ressources pour évaluer les chiens dangereux, ce qui était plus difficile avec l'ancien fournisseur.

DES RÈGLES RESSERRÉES

Au-delà du retrait de l'interdiction des pitbulls, Sainte-Adèle en a profité pour resserrer les règles encadrant les chiens dangereux. Les bêtes n'ont plus besoin d'avoir mordu une personne ou un autre animal pour obtenir ce statut.

Plus sévère, le nouveau règlement indique qu'il suffit de « tenter de mordre » en « causant ou non des blessures » ou « en démontrant des signes d'agressivité, en grondant, en montrant les crocs, en aboyant férocement » pour être considéré comme dangereux. Bref, une personne se sentant menacée par un animal de son voisinage peut se plaindre et forcer la tenue d'une évaluation.

Et un chien déclaré dangereux peut se voir imposer le port de la muselière à l'extérieur, la stérilisation ou même l'euthanasie s'il le faut.

Sainte-Adèle estime ainsi que son nouveau règlement protégera mieux ses citoyens puisqu'il permet « d'agir en aval ». Déjà, la municipalité indique que des propriétaires de pitbulls qui n'avaient jamais rapporté la présence de leur animal sont venus les enregistrer à la suite du changement de règles. 

Le retrait de l'interdiction survient alors que Montréal a présenté un règlement interdisant les pitbulls et tous les chiens dangereux. Celui-ci doit entrer en vigueur à la fin du mois de septembre. Le gouvernement du Québec s'apprête de son côté à adopter une loi qui viendrait interdire non seulement les pitbulls, mais l'ensemble des chiens dangereux dans la province. Le ministre Martin Coiteux doit présenter un projet de loi en ce sens sous peu.