Sylvie Rozon, résidante de Saint-Lazare, en banlieue ouest de Montréal, a eu la surprise de découvrir lundi un tronçon du pipeline Trans-Nord exposé à l'air libre par l'érosion d'un ravin.

Elle se pose des questions sur la sécurité des pipelines, alors que l'industrie vante sa bonne performance environnementale dans son plus récent rapport.

« J'ai trouvé ce tronçon en marchant sur la terre de mon père, raconte Mme Rozon. Il y a deux semaines, Trans-Nord a effectué des travaux à environ 500 mètres de là. On s'est dit que ce serait bien de voir à quoi ça ressemblait. En marchant simplement, on est arrivés là. C'est tout un adon. Si je n'étais pas allée, ça leur aurait pris combien de temps avant de le découvrir ? »

Luc Falardeau était aussi de l'expédition. Il fait partie de l'organisme Citoyens au courant, qui s'inquiète des projets de pipelines et de la gestion des pipelines existants. « On voit le revêtement anticorrosion qui est endommagé », dit-il, en décrivant la partie de la conduite qui a été mise à nu.

Guy Coderre, un troisième citoyen, se questionne sur les risques pour l'eau potable. Le segment laissé à découvert à Saint-Lazare est dans un ruisseau qui se jette dans la rivière des Outaouais, 5 km plus loin, en amont de plusieurs prises d'eau de la région de Montréal. « On sait que dans le cas du déversement dans la rivière Chaudière, à Lac-Mégantic, les prises d'eau de Saint-Georges et de Lévis ont été fermées pendant 76 jours », dit-il.

Il rappelle que le pipeline Trans-Nord est à l'origine de trois fuites ces dernières années au Québec.

« PAS DE RISQUE », SELON TRANS-NORD

Les citoyens ont averti la Ville de Saint-Lazare, qui les a plutôt dirigés vers la société Trans-Nord. Cette dernière a fait savoir qu'elle a visité le site, hier, et que des mesures de sécurité seront mises en place à partir d'aujourd'hui.

L'entreprise a fait parvenir à La Presse une déclaration écrite. La conduite exposée « ne comporte pas de risque » et des travaux d'inspection, de réparation et de terrassement seront réalisés à partir d'aujourd'hui pour la protéger.

Trans-Nord affirme que des inspections se font régulièrement à pied le long de la conduite.

En dépit des inquiétudes des citoyens, l'industrie des pipelines vante sa performance pour l'année 2015. Au total, seulement 16 barils de pétrole ont été répandus au pays, sur 1,2 milliard de barils transportés. Le nombre d'incidents par 1000 kilomètres est à son plus bas depuis des années, et aucun « incident important » ne s'est produit.

Selon Jim Donihee, de l'Association canadienne des pipelines d'énergie, ce sont les programmes d'amélioration adoptés par l'industrie qui commencent à porter leurs fruits.

« Notre programme "Intégrité en premier" avance bien, dit-il. On s'attaque aux endroits où il y a des risques et on travaille aussi sur la culture de sécurité. »

Il remarque que les situations comme celles à Saint-Lazare peuvent se produire même avec les mesures d'inspection en place. « Quand on a de grosses averses, il y a des risques d'érosion, dit-il. Les entreprises doivent augmenter la fréquence des inspections dans les zones à risque. Dans ce cas-ci, il n'y a pas de fuite ou de rupture et il va y avoir une intervention très rapide. »

PIPELINE TRANS-NORD

Construit en 1952

Diamètre de 10 pouces (25 cm)

Relie Nanticoke, en Ontario, au secteur des raffineries à l'est de Montréal avec deux embranchements, un vers Ottawa et l'autre vers l'aéroport Trudeau.

Transporte des produits pétroliers raffinés tels l'essence, le diesel, le carburant d'aviation et le mazout.

Trois fuites

2003 : SAINT-CLET

25 000 litres de diesel dans un fossé

2010 : LAVAL

14 000 litres d'essence sur les berges de la rivière des Prairies

2010 : MONTRÉAL-EST

1500 litres de kérosène