La famille de Léon Mugesera lance un nouvel appel à l'aide et demande à Ottawa d'agir afin d'améliorer le sort de l'ancien résident canadien, emprisonné au Rwanda depuis son renvoi en 2012 et dont le procès pour incitation au génocide se tient à Kigali.

Dans un courriel envoyé la semaine dernière au premier ministre Stephen Harper et que La Presse a obtenu, Carmen Nono, l'une des filles de Léon Mugesera, demande à Ottawa d'intervenir. «S'IL VOUS PLAÎT, écrit-elle en anglais, ma famille et moi avons désespérément besoin de votre aide. [...] Je vous implore d'aider mon père dans sa quête de JUSTICE.»

Le courriel était accompagné d'une lettre de l'avocat de Léon Mugesera adressée au premier ministre Stephen Harper et ayant pour objet: «Torture permanente infligée au Dr Léon Mugesera et menaces graves de l'assassiner et de le faire disparaître».

Me Jean-Félix Rudakemwa y écrit que «le Rwanda ne respecte pas les garanties qu'il a données au Canada» pour permettre le renvoi de Léon Mugesera, qui «a droit d'être secouru». Les deux envois seraient restés lettre morte, jusqu'à maintenant.

«Le fait que le gouvernement canadien ne nous assiste d'aucune manière me frustre énormément», dit Carmen Nono. Jointe au téléphone, elle explique qu'elle voudrait que le Canada fasse «au minimum» respecter ces garanties, «pour sa santé, pour qu'il n'y ait personne dans la pièce quand il parle à son avocat».

Idéalement, elle aimerait que son père soit rapatrié au Canada. «Tout ce qu'il veut, c'est la justice. Ici [un procès équitable] est possible.» Mais la jeune femme ne se fait pas d'illusions: «Je ne suis pas sûre que Kagamé va laisser partir mon père.» Et comme elle a «bien trop peur» d'aller au Rwanda, elle croit qu'elle ne le reverra jamais.

Confusion à Ottawa

Le dossier de Léon Mugesera indispose toujours Ottawa, où les ministères se sont renvoyé la responsabilité de répondre aux questions de La Presse, la semaine dernière.

Après de multiples échanges de courriels, qui se sont échelonnés sur trois jours avec quatre responsables des communications, il a été impossible de savoir si le gouvernement canadien entendait donner suite à l'appel de la famille.

«Toute la correspondance du gouvernement est traitée par les canaux appropriés», s'est bornée à répondre Béatrice Fénelon, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Mais Carmen Nono affirme n'avoir même pas reçu un accusé de réception à la suite de son courriel.

«Avant la déportation de cette personne, écrit pour sa part un autre porte-parole, John Babcock, le Canada a obtenu les assurances diplomatiques d'usage de la part du Rwanda sur la peine capitale, le droit à un procès équitable et le traitement pendant l'incarcération.»

Il ajoute que «le gouvernement du Canada continue de suivre la situation des droits de la personne ainsi que l'application de la primauté du droit au Rwanda»; il refuse toutefois de préciser les démarches d'Ottawa et si leurs résultats étaient jugés satisfaisants.

La reprise du procès à Kigali de Léon Mugesera, qui était prévue la semaine dernière après une pause estivale, a été reportée au 1er octobre, puisque son avocat était malade.