Aucune disposition du nouveau projet de loi fédéral sur la prostitution ne devrait criminaliser les prostituées, clame une coalition de groupes de défense des femmes.

L'amendement à la loi C-36 qui criminaliserait la prostitution à proximité des écoles, garderies et terrains de jeux devrait donc être retiré, ont fait valoir ces groupes en conférence de presse, mercredi, avant leur audience devant le comité sénatorial qui révise le projet de loi.

Lisa Steacy, de l'Association canadienne des centres contre le viol, a affirmé que la pauvreté, le racisme et les inégalités sociales sont des pressions qui poussent les femmes vers la prostitution.

Aussi a-t-elle expliqué que la coalition allait réclamer du Sénat qu'il fasse ce que le Parlement n'a pas fait, c'est-à-dire de proposer un amendement qui retire toute possible criminalisation des travailleurs et travailleuses du sexe.

L'amendement, proposé par la Chambre des communes plus tôt cet été, se voulait plus clair que la clause originale, que l'on craignait trop vague pour résister à une contestation constitutionnelle.

Bien que ce projet de loi accorde généralement l'immunité aux prostituées, le texte original interdisait la sollicitation dans des endroits où des enfants pourraient se trouver.

Mme Steacy et d'autres femmes présentes mercredi ont affirmé qu'elles appuient globalement le projet de loi, qui représente une bonne avancée en cela qu'il reconnaît la violence infligée aux prostituées par leurs proxénètes et leurs clients.

«Ce sont ces proxénètes et ces clients, le problème, a tranché Bridget Perrier, une éducatrice des Premières Nations. Ce sont eux qui abusent et, dans certains cas, tuent. Nos femmes sont perçues comme sacrées, elles ne devraient pas naître pour être utilisées et vendues pour satisfaire les besoins sexuels des hommes. Nous ne sommes pas des marchandises.»

L'amendement que les groupes contestent soulève toutefois la possibilité que ce ne soient pas les proxénètes et les clients qui se fassent arrêter, a soutenu Lisa Steacy.

«L'une des raisons pour lesquelles les hommes croient qu'ils peuvent se tirer d'affaire avec la violence faite aux femmes, bien que ce soit criminel, est qu'ils ne subissent pas de conséquences, a-t-il dit. En gros, 99% des viols ne sont pas punis par le système judiciaire criminel. Nous ne voulons certainement pas voir la même chose arriver pour les crimes liés à la prostitution.»

Le projet de loi C-36 fait suite à une décision de la Cour suprême qui a invalidé, l'an dernier, la loi actuelle en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, puisqu'elle mettait les prostituées en danger.

Mardi, le ministre de la Justice, Peter MacKay, a déclaré aux sénateurs qu'il croyait que le projet de loi allait donner aux prostituées la possibilité de rapporter à la police les incidents violents, puisqu'elles ne craindront pas d'être elles-mêmes arrêtées.

D'autres témoins, mercredi, ont toutefois soulevé des doutes sur cette affirmation.

«Donner cette immunité sélective aux travailleuses du sexe face aux acheteurs ne va pas, à mon avis, les protéger des problèmes», a affirmé Leo Russomanno, d'une association d'avocats criminalistes.

Selon lui, le nouveau projet de loi n'offre pas la protection à laquelle la Cour suprême considère qu'elles ont droit, mais M. MacKay est persuadé qu'il passera le test constitutionnel.