Le gouvernement fédéral peut bel et bien détruire les données du registre des armes à feu, a tranché la Cour d'appel du Québec dans une décision rendue jeudi matin.

Dans une ultime tentative pour sauver ces données, Québec s'adressera à la Cour suprême. «Il y a un consensus au Québec en ce qui concerne l'enregistrement des armes à feu. Toutes les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale défendent cette position unanime», a affirmé par voie de communiqué le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud. 

Tel que promis, le gouvernement conservateur a aboli le registre en février 2012. Mais il a aussi décidé de détruire les données du registre, ce dont il n'avait pas parlé en campagne électorale. 

À Québec, le précédent gouvernement libéral ainsi que le gouvernement péquiste ont affirmé leur intention de créer leur propre registre. Mais pour ce, ils ont besoin des données du fédéral, pour lesquelles ils rappellent avoir payé. Sinon, les coûts seraient selon eux prohibitifs. Ils pourraient dépasser 35 millions de dollars. 

Québec a donc contesté la décision devant les tribunaux. En septembre, la Cour supérieure lui a donné raison et a déclaré que l'obligation de destruction des données relatives aux armes d'épaule dans le registre canadien, contenue dans le projet de loi C-19, était inconstitutionnelle. Le juge Marc-André Blanchard a vu dans cette obligation une tentative d'Ottawa d'empêcher une province d'exercer un domaine de ses compétences constitutionnelles, contraire aux principes du fédéralisme coopératif. 

Le gouvernement fédéral a porté la cause en appel. À l'unanimité, cinq juges du plus haut tribunal du Québec ont donné tort au juge de première instance jeudi, et décrété que la destruction des données était constitutionnelle et n'empiétait pas sur les compétences des provinces.  

« Le remède retenu par le juge, de contraindre le gouvernement fédéral à continuer de colliger les données, était ici clairement inapproprié. L'était aussi l'obligation de transférer ces données à un registre provincial à venir», a écrit la juge en chef Nicole Duval Hesler, appuyée par quatre de ses collègues. 

«Les tribunaux ne doivent pas substituer à l'intention des législateur/es leur appréciation de l'opportunité d'une mesure législative», a ajouté la juge Duval Hesler. 

Québec devra toutefois engager ses procédures d'appel rapidement, puisque le Procureur général du Canada a dit vouloir détruire les données québécoises aussi tôt que deux semaines suivant la décision.  

Le gouvernement Harper a applaudi le jugement et s'est félicité pour sa défense des «chasseurs, des agriculteurs et des tireurs sportifs respectueux des lois». 

«Contrairement aux libéraux de Justin Trudeau et au NPD de Thomas Mulcair, notre gouvernement conservateur va continuer à traiter les droits des honnêtes Canadiens en priorité lorsqu'il prend des mesures législatives qui combattent vraiment les crimes violents », a déclaré le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, dans un communiqué de presse. 

Nathalie Provost, une victime du massacre de la Polytechnique qui milite pour le contrôle des armes à feu, a décrit cette décision comme un pas en arrière. Mais elle affirme que l'intention du gouvernement du Québec de porter la cause devant la Cour suprême du Canada lui donne espoir. 

«On va de déception en déception par rapport aux décisions du fédéral depuis le printemps 2012, depuis l'adoption de C-19, a dit Mme Provost. On est assez inquiets, mais contents que le gouvernement du Québec nous appuie.»

Le Parti libéral du Québec (PLQ) salue la décision du gouvernement Marois de s'adresser à la Cour suprême. «Le gouvernement du Québec avait mis de l'avant des arguments basés sur le fédéralisme coopératif. La Cour d'appel ne les a pas retenus. Elle dit qu'on ne peut pas modifier le partage des compétences prévues dans la constitution en invoquant le fédéralisme coopératif», regrette le député libéral et ex-bâtonnier du Québec, Gilles Ouimet.

La Coalition avenir Québec se désole elle aussi le jugement de la Cour d'appel et appuie la contestation. «Les Québécois ont payé pour ces données et devraient pouvoir les récupérer. Cela n'enlèvera rien au gouvernement fédéral», a rappelé leur député Jacques Duchesneau.