Les bleuets sauvages du Saguenay-Lac-Saint-Jean font face à une concurrence de plus en plus âpre sur les marchés internationaux.

Même au Québec, les petites baies bleues qui font la réputation de la région voient leur position privilégiée contestée. En Estrie et en Montérégie, notamment, le nombre de bleuetières a doublé au cours des dernières années.

Ailleurs sur le globe, d'énormes producteurs implantés dans une vingtaine de pays, notamment au Chili et en Argentine, inondent les marchés de leurs gros bleuets cultivés. Ces bleuets s'ajoutent aux baies sauvages ou cultivées produites en de plus en plus grande quantité sur la côte est américaine.

Les petits fruits bleus récoltés dans les forêts du Saguenay-Lac-Saint-Jean sont cependant reconnus, scientifiquement, pour leur qualité, leur saveur et leurs propriétés antioxydantes uniques, qui surpassent les caractéristiques des bleuets de «culture».

S'adapter

Néanmoins, la région, avec ses 50 à 60 millions de livres de fruits récoltées annuellement, est condamnée à rester un joueur de taille relativement modeste à l'échelle internationale. Et l'industrie du bleuet du Saguenay-Lac-Saint-Jean est confrontée aux mêmes défis que les autres secteurs industriels régionaux, notamment l'éloignement des marchés et les coûts de transport et de manutention par conséquent plus élevés.

Dans ce contexte, les producteurs d'ici ont avantage, dans leur stratégie de commercialisation, à miser sur la qualité des bleuets plutôt que sur la quantité. Ce concept, du reste, est déjà mis en application sur le terrain. Afin de pouvoir satisfaire les exigences extrêmement élevées des consommateurs japonais, les plus exigeants au monde en cette matière, dit-on, les transformateurs de bleuets du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont dû mettre au point des outils et des techniques qui assurent une conservation optimale des fruits, et qui assurent également que les boîtes de bleuets sont totalement exemptes de feuilles ou de débris végétaux.

En cette époque de «branding» et de marketing à tout crin, avoir un produit de grande qualité aux propriétés uniques constitue un atout de taille. Il reste à jumeler le produit en question avec une stratégie de mise en marché bien adaptée pour connaître du succès.

Dans le cas du bleuet sauvage du Saguenay-Lac-Saint-Jean, une telle stratégie pourrait fort bien passer par la création d'une véritable appellation d'origine contrôlée (AOC) permettant aux consommateurs de partout sur la planète de reconnaître, sur les tablettes, les vrais fruits du «Royaume», récoltés dans la nature et présentant un goût et des propriétés antioxydantes exceptionnels.

Idée

L'idée, fort audacieuse, n'est pas nouvelle. En mars 2010, le Dr Rémy Lambert, vice-doyen à la recherche de la faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, alors de passage dans la région dans le cadre d'un colloque sur le bleuet, avait soulevé cette possibilité. Le projet n'a toutefois visiblement pas beaucoup cheminé. L'industrie, il est vrai, a eu d'autres chats à fouetter au cours des derniers mois.

Il reste que le contexte est favorable à un coup d'éclat sur le plan marketing. L'obtention officielle d'un titre d'AOC nécessite beaucoup de démarches, mais le jeu en vaut la chandelle parce que la certification «Bleuets du Saguenay-Lac-Saint-Jean» permettrait aux fruits d'ici de se démarquer de la concurrence et vraisemblablement de se vendre plus cher et d'être à l'abri des fluctuations de la demande. Après tout, le vrai champagne, célèbre appellation d'origine contrôlée, se vend bien et beaucoup plus cher que même le meilleur des vins mousseux!

On comprend donc bien comment une AOC, en plus de constituer un outil de marketing puissant, pourrait assurer la pérennité et la position privilégiée de l'industrie régionale du bleuet. Il convient donc d'être audacieux pour éviter que le bleuet, emblème de la région et de ses résidants, continue à se démarquer sur les tablettes d'ici, mais aussi d'ailleurs. Justement, les consommateurs de toute la planète n'ont jamais été aussi friands de saveurs et de produits du terroir uniques.