La réforme du régime de santé et de sécurité du travail constitue une «attaque» contre l'équilibre entre les syndicats et le patronat, dénoncent la FTQ et la CSN.

Le projet de loi a été déposé mardi par la ministre du Travail, Lise Thériault. «On écrase le paritarisme», lance Michel Arsenault, président de la FTQ.

Le conseil d'administration de la CSST est composé de sept membres syndicaux et de sept membres patronaux. La ministre veut retirer du conseil un membre syndical et un autre patronal. Elle les remplacerait par deux administrateurs indépendants, nommés par le conseil des ministres. «On s'inquiète pour l'indépendance de ces indépendants», dit Jean Lacharité, vice-président de la CSN.

À cause de la parité, les syndicats et le patronat devaient habituellement s'entendre au conseil d'administration. Il craint que cet équilibre soit perdu à la faveur du patronat.

L'année dernière, le conseil de la CSST avait formulé 30 recommandations communes. La ministre en a retenu 26 pour moderniser la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Elle n'a pas retenu la recommandation de mieux baliser le principe de précaution pour les femmes enceintes. Le Conseil du patronat (CPQ) se désole que Québec n'ait pas réglé ce «problème majeur». «Depuis 30 ans, cela a coûté trois milliards de dollars sans qu'on puisse prouver que les enfants ont été en meilleure santé», regrette sa vice-présidente, Carmelle Laflamme.

Même s'il apprécie qu'on plafonne les réclamations de physiothérapie, le CPQ trouve encore «trop généreuse» l'aide aux accidentés du travail pour la recherche d'emploi. «On paye jusqu'à une année, alors que c'est de 15 à 17 semaines dans les autres provinces. On aurait au moins pu couper la poire en deux», dit Mme Laflamme.

La ministre Thériault n'a pas suivi une autre recommandation unanime: scinder en deux postes distincts le poste de président et chef de la direction de la CSST, actuellement occupé par une seule personne, Michel Després, ancien ministre du Travail sous le gouvernement Charest.

Même si ce n'est pas «catastrophique», cela force parfois M. Després à «marcher sur un fil de fer», croit Carmelle Laflamme, vice-présidente, Santé et sécurité du travail au CPQ.

Éviter les drames en construction

Le projet de loi élargit les mécanismes de prévention. Ils s'appliqueront à de nouvelles catégories de travailleurs. Plus de 14 000 entreprises et 2 millions de travailleurs y seront désormais assujettis.

Québec veut aussi mieux protéger les travailleurs de la construction. Le quart des morts qui surviennent au travail proviennent de ce milieu, même s'il ne représente que 5% du total d'heures travaillées. La CSST pourra désormais transmettre à la Régie du bâtiment des renseignements sur les entrepreneurs négligents. Cela pourrait mener à la suspension de leur licence. «La vie d'un travailleur, ça n'a pas de prix», a dit la ministre.

Les syndicats souhaitaient qu'on renforce une disposition peu appliquée de la loi: que des agents de prévention surveillent les chantiers, et qu'ils ne soient pas payés par les employeurs. La ministre renvoie encore la question à un comité.

Comme le CPQ et la FTQ, la CSN réserve un accueil «mitigé» au projet de loi. Mais elle presse la ministre de l'étudier rapidement pour l'amender et l'adopter avant la fin des travaux parlementaires, le 15 juin.

Protéger les aides domestiques

Le projet de loi protégera aussi les aides domestiques (jardiniers, chauffeurs, préposés au ménage, etc.). La ministre Thériault exclut ceux qui exécutent un «travail sporadique ou de courte durée». De 5000 à 25 000 Québécois correspondent à cette définition, estime Michel Després.

Leurs employeurs devront désormais payer des cotisations à la CSST.

Québec avait essayé de protéger ces travailleurs en 2010. Mais ses propositions avaient été qualifiées de «discriminatoires» par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Mme Thériault assure que sa réforme respecte la convention de l'Organisation internationale du travail.