Le constat d'un problème caché de structure dans un segment de l'échangeur Turcot il y a deux semaines n'est pas une première.

Il y a quatre ans, Transports Québec avait déjà découvert qu'un pilier de la 720, du côté de l'autoroute Ville-Marie, «n'avait pas été construit selon les plans», a révélé hier Mario St-Pierre, le porte-parole de Transports Québec.

Hier, M. St-Pierre a confirmé la lacune évoquée dans le reportage de La Presse: la fermeture de la bretelle de Turcot vers l'ouest, le 15 avril dernier, suivait un constat inquiétant des firmes d'ingénieurs mandatées depuis 2008 pour surveiller constamment l'ouvrage déficient. Trois bretelles avaient été fermées tout le week-end. Depuis, la circulation a été réduite de deux à une voie sur la 720-20, ce qui entraîne d'énormes problèmes de circulation.

L'apparition de fissures particulières avait étonné les ingénieurs qui, en poussant l'investigation, ont découvert que l'armature d'acier prévue dans les plans était absente, confirmait hier le fonctionnaire.

Autre problème d'armature

Mais ce constat n'est pas sans précédent. «Ce n'est pas la première fois, il y avait des problèmes d'armature qu'on avait trouvés ailleurs, dans les piliers. Il avait fallu refaire du béton pour s'assurer que la structure soit plus conforme aux plans. C'était un peu le même genre de découverte», a précisé M. St-Pierre, répondant aux questions de La Presse.

Le 8 juin 2007, le ministère des Transports avait déjà subitement interdit la circulation tout un week-end, sur la A-720, l'autoroute Ville-Marie près de Turcot, là encore pour procéder à des travaux urgents. Les médias expliquaient alors qu'une faille importante, de plus de 20 millimètres, avait été découverte dans un pilier. Jamais à l'époque on n'avait révélé que le pilier n'était pas conforme aux plans réalisés 40 ans plus tôt. Le directeur du ministère pour l'île de Montréal, Claude Paquet, s'était montré «extrêmement vague quant à l'origine des dommages à la pile», rapportait-on alors. Quelques mois plus tard, Québec donnait un contrat d'une dizaine de millions par année à un consortium de trois firmes, SNC/Cima"/Dessau, uniquement pour surveiller la structure mal en point.

«On avait trouvé ça et on l'avait réparé. Disons que ce n'était pas conforme aux plans», résume M. St-Pierre, d'abord convaincu que l'origine du problème avait été divulguée à l'époque. Une recherche dans les médias de cette période démontre le contraire.

En revanche, on retrouve que, durant la commission présidée par Pierre Marc Johnson, pour trouver les raisons de l'effondrement du viaduc de la Concorde, un ingénieur du ministère des Transports, Tiona Sanogo, avait révélé qu'il avait constaté que des piliers de l'échangeur Turcot n'avaient pas été construits selon les plans. Pour l'ingénieur, des piliers qui supportent le raccordement de l'autoroute 20 Est à la 15 ne contenaient pas d'étriers d'acier, une pièce névralgique pour la solidité de l'ouvrage. «Immédiatement, j'avais arrêté l'entrepreneur. Nous avons réparé les colonnes par séquences en reconstituant tous les étriers qui étaient montrés au plan, mais qui n'existaient pas sur ces colonnes», avait dit M. Sanogo, dans son témoignage devant la commission, en juin 2007.

Exaspération

Tout ce mystère autour des problèmes de construction du centre névralgique de la circulation à Montréal exaspère le député péquiste Nicolas Girard. Critique de son parti en matière de transports, M.Girard proteste: «On peut se demander pourquoi le Ministère ne démontre pas plus de transparence.» En commission parlementaire, le ministre Sam Hamad avait été questionné sur la fermeture partielle de Turcot à la mi-mars. Il avait parlé de faille, mais jamais évoqué de problème de construction, relève le député péquiste. «Pourquoi ne pas être transparent avec la population et rendre publics les rapports des ingénieurs qui ont déclenché cette opération?», a conclu M. Girard.

Pour M. St-Pierre, indépendamment des constats des ingénieurs, le ministère des Transports optera d'abord pour la sécurité. «On n'hésitera jamais à fermer toute structure si on croit qu'il peut y avoir des risques, la sécurité est la principale préoccupation chez nous», résume-t-il.

Dans le cas découvert à la mi-avril, «l'armature a été placée de façon anormale. Cela a été fait il y a 40 ans, la structure avait toujours performé malgré ce genre d'exception à l'armature. Ça n'a pas été fait conformément aux plans originaux», convient-il.

Mais après deux semaines de circulation réduite, les travaux ne sont pas entamés. Plus encore, on n'a pas encore décidé du correctif à apporter, indique M. St-Pierre.

«On a dit dès le début que ça va être important, préparez-vous à ça...», résume-t-il.