Un homme de 40 ans a été formellement accusé hier au palais de justice de Portage-LaPrairie, au Manitoba, du meurtre sordide de Tim McLean, 22 ans, poignardé et décapité sous le regard horrifié d'une quarantaine de passagers d'un autocar de la société Greyhound.

Vêtu d'un chandail gris à manches courtes et d'une veste de prisonnier, Vince Weiguang Li est resté muet durant sa comparution. Il n'a même pas répondu au juge lorsqu'il lui a demandé s'il avait un avocat. Le visage tuméfié, la main enveloppée d'une bandage, Li s'est avancé devant la Cour en trottinant sans faire de bruit. Il n'a jamais levé les yeux du sol. C'est à peine s'il a hoché la tête d'un signe affirmatif lorsque le magistrat lui a demandé s'il désirait se prévaloir de son droit de garder le silence.

Le procureur de la Couronne a demandé que Vince Weiguang Li fasse l'objet dune évaluation psychiatrique dans les plus brefs délais, mais le juge a répondu qu'il préférait que l'accusé consulte d'abord un avocat. L'accusation de meurtre non prémédité s'applique le plus souvent quand les policiers estiment que le tueur n'avait pas planifié son crime ou choisi sa victime à l'avance. Des témoins ont rapporté que Tim McLean dormait lorsque Li l'a attaqué avec un couteau de chasse de type «Rambo», sans préavis ni même lui avoir parlé auparavant.

Tim McLean a été tué sur la route entre Edmonton et Winnipeg, alors qu'il rentrait retrouver chez lui une vie plus tranquille après trois semaines passées à travailler dans l'univers animé des fêtes foraines. «Il n'aurait jamais fait de mal à personne, relate William Caron, qui le connaissait depuis la petite école. Il ne s'était jamais battu, jamais de sa vie.»

«Il menait une vie très calme, a dit une amie longue date, Jodi Lang. Ce qu'il préférait, c'était jouer aux cartes et à Risk (un jeu de société).» Sur sa page Myspace, il se décrivait comme un jeune aimant «jouer aux jeux vidéo et avoir du bon temps».

L'onde de choc

Le mutisme de Vince Weiguang Li a tranché avec la verve des internautes du monde entier, qui ont écrit plus d'un millier de messages de sympathie à la famille McLean. «Je n'arrive pas à croire ce qui est arrivé. Tim, tu étais le meilleur gars du monde. Tu ne méritais pas cela», a écrit Leah Dryburgh sur Facebook, où le groupe «R.I.P. Tim» a vu le jour dans les heures qui ont suivi l'annonce de sa mort.

«Je n'ai jamais été plus horrifiée par une nouvelle de ma vie. J'en ai le coeur brisé, pas seulement pour lui, mais aussi pour sa famille qui a dû entendre tous ces horribles détails», a ajouté Darlene.

Des transports sécuritaires?

La tragédie a aussi fait surgir une foule de questions sur la sécurité dans les transports routiers au pays. Hier après-midi, à la gare d'autocars de Montréal, bondée, des passagers avaient des mines préoccupées. «Ma mère m'a appelée ce matin parce qu'elle était inquiète», a raconté une jolie étudiante de 18 ans, Émilie Fretts. L'incident ne l'a pas empêchée d'attraper le car pour Ottawa en fin de journée, comme tous les week-ends, mais elle a avoué être sur ses gardes. «Je m'assois toujours près du chauffeur et je ne parle pas aux autres passagers.» Elle pense que tous les bagages à main devraient être interdits à bord.

Le président du syndicat des chauffeurs de Greyhound au Canada a lancé un appel en faveur de l'installation de détecteurs de métal avant l'entrée de tous les autobus. «En ce moment, on peut emporter avec soi tout ce qu'on veut à bord, on peut cacher sur soi n'importe quoi», a aussi confié à Reuters un ex-agent de sécurité du terminal d'autocars d'Edmonton, Darcey Kolewask.

Greyhound passe déjà au détecteur de métal les bagages à main de ses passagers dans certains de ses terminaux aux États-Unis mais ne le fait nulle part au Canada. Le porte-parole Éric Westley a indiqué à La Presse hier que cette pratique pourrait changer: «Nous travaillons déjà depuis plus d'un an à la préparation d'un nouveau plan de sécurité, en collaboration avec Transports Canada.»

À Orléans Express, on juge toutefois que cette mesure serait impossible à appliquer au Québec. «En région, le point de chute est souvent le restaurant local, la station-service du coin. On ne pourrait pas mettre là des barrières de sécurité comme dans les aéroports. Ce n'est pas structuré pour cela», a dit la porte-parole Denise Sirois.

Transports Canada ne réglemente pas le transport d'armes blanches ou d'armes à feu dans les autocars et demande plutôt à chaque entreprise d'établir ses propres règles en fonction d'«un code fondé sur les pratiques exemplaires». «Chaque société est la plus à même de connaître ses besoins et de dicter ses pratiques», a expliqué la porte-parole Maryse Duquette.

Au cours des huit dernières années, six incidents ont violents sont survenus dans des autocars de Greyhound. En 2007, une femme de 27 ans a été poignardée à la suite d'une altercation en Ontario.

Avec La Presse Canadienne